-

À chair de chien sauce de loup. "À méchant méchant et demi" : Cesar a coup, sans attendre a demain, Print en sa main le monde et sa maisnie Et en charga sus son dos le remain, Mais le romain senat trop inhumain, Et soir et main, durement le manie ; Par faulse envie on abrega sa vie ; Tousjours devie ung orguilleux : A chair de chien saulce de leux. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 593).

Rem. Morawski 15 : A char de lou sausse de chien ; DI STEF. 135b, chair.

-

À telle chair, tel couteau : Se cousteau n'avoye assés gros, Bien trempé et d'estoffe dure, Taillier ne pourroye les os D'ung gros buef ne faire parture. Chascun quiert d'avoir sa droiture : Selon le seigneur, le chasteau, A tel marchant, telle aventure, Et a telle char, tel cousteau. (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 59).

Rem. Hassell 63, C39.

-

Après la chair vient le fromage V. fromage

-

De paix de chair n'est rien qu'ordure : ...Hanter femmes a grans soupirs, Abuser des biens de nature ; De paix de char n'est rien qu'ordure. (GAGUIN, Passe temps oisiv. T., 1489, 391).

-

Il n'est que jeune chair et vieux poisson. "Un jeune est plus agréable qu'un vieux" : [Le narrateur flatte les jeunes] Adoncques m'acollent et baisent Puis je leur dy tout en bas son Qu'il n'est, afin qui me complaisent, Que jeune char et vieil poisson. (VAILLANT, Oeuvres D., c.1445-1470, 134).

Rem. Détournement d'une loc. culinaire : La jeune chair et le vieux poisson par laquelle on laisse entendre que la chair des jeunes animaux et celle des vieux poissons sont les meilleures ; la loc. figure dans MIÉLOT, Prov. U., 1456, 192.

-

[Loc. prov. (Avec équivoque sexuelle sur le mot chair ?)] La chair coûte plus que le poisson. "La luxure coûte plus cher que l'abstinence (?)" : ...Jehan Lesnare, dit de Magny, surnommé Alain, né de la seneschauciée de Poitou, (...) prisonnier (...), après ce qu'il ot dit de par la dame de Meno à Jehan du Boulon, demourant pour lors à Chielle soubz Pierrefons, que la char lui cousteroit plus que le poisson et que le dit du Boulon fu sailli hors de sa maison, en disant au dit prisonnier qu'il estoit très mauvaiz lierres et que qui lui fist raison, l'en le pendroit à un gibet qui lui monstroit au doy, et que ycelui prisonnier eust respondu qu'il mentoit comme mauvaiz villain Jaques qu'il estoit (Doc. Poitou G., t.6, 1396, 257).

-

[Sentence évangélique] La chair est faible : MISERICORDE. Justice, vous devez sçavoir Que la chair est fresle et debile Et l'homme aussi de soy fragile ; Cela aucun petit l'excuse. (Myst. Viel test. R., t.1, c.1450, 353).

Rem. Hassell 63, C40.

-

La chair, l'esprit, la mort, la vie ont guerre et mortelle envie V. guerre

-

[Sentence] Nul homme d'armes ne doit manger autre chair que chair de vache : ...Dam Jehan Lymes [qui accompagne le roi d'Espagne, Alphonse]... comme en proverbe disoit : "nul homme d'armes en l'ost ne doit mangier autre char que char de vache, affin qu'il deveigne delicatif comme sont les Françoys.;" Par ladicte auctorité du vaillant chevetaine (...), char de mouton, aigneaux, lievres, connis (...) par vray honneur leur estoient deffenduz. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 513).

Rem. DI STEF. 135b, chair.

-

Rien ne va où chair ne va : LA CHAIR (en réponse au poisson) Rien ne me va, dist l'autre, ou char ne va, Fy de poisson, de souppe et de naveaux ! En Bethleen le boeuf Dieu reschaufa ; David le sainct sacrement estoffa Dessus l'aultel, pour y mettre nos veaux, Dont carnage fait convives nouveaux, En rebouttant prebtres et harens cacques. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 645).

Rem. Morawski 2215 : Rien ne va ou char va ; Hassell 63, C43 ; DI STEF. 135b, chair.

-

Si tu veux avoir la guerre contre toi-même accomplis la volonté de ta chair : Se contre toy voelz guerre avoir, Acompli ta char son voloir, Et s'a elle voels avoir paix, De paine et de june le paix. (THOMAS MAILLET, Prov. Alain H., c.1375-1400, 67).
 

"Viande, chair" : ...de tieulx sergens Fait on pastours, qui sont droit loups Et de char devourer jaloux (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 6).

-

En partic. Prendre chair. "S'incarner" : ...tant seront fichiez par ardant affection pour l'infinie bonté de lui que ilz ardront d'affection amoureuse, pensant les biens que ilz en auront receus tellement que de celle dilection seront tous embeuz et comme enyvrez, cogitant comment Dieu le pere daingna envoier son filz en terre pour eulx prendre char humaine (CHR. PIZ., P.V.H., 1416-1418, 51).
 

A. -

Au propre

1.

"Chair de l'homme" : De tristesse le cuer me casse, Car de vous suis tant amoreuse Que, quant vostre cher precïeuse Voy souffrir ung si grant martire, La passion m'est si trespeneuse Que d'eure en heure, las, j'espire. (Pass. Auv., 1477, 220).

-

P. méton. "Personne" : Adieu, adieu, cher virtüeuse ; Adieu, mon bon meistre et amy ! (Pass. Auv., 1477, 105).

2.

"Viande" : Bien pouvons faire bonne chere, Puis que avons fait si bonne prise. Cher et poisson avons en mise. C'est bonne viande ad commissaires (Pass. Auv., 1477, 147).

B. -

Au fig. [P. oppos. à esprit] "Nature humaine, charnelle et pécheresse" : Plus n'accomplirey vostre veul, Palharde cher pugnaise et orde, Puis que Dieu m'a pris en sa corde. Je veulx servir a l'esperit, Lequel, mon Dieu, estoit perit, Si ne m'eussiés ad vous tiree. (Pass. Auv., 1477, 149).
 

A. -

"Viande" : La estoient aucuns qui mangoient chars crues, les autres chars humaines, les autres presentoient ou prestoient leur enfans a leur voisins pour les mangier. (ORESME, E.A., c.1370, 381).

-

Chair crue : Si comme aucunes femmes grosses ont appetit de mangier fruiz vers ou char crue, pour la cause que les medicins scevent bien. (ORESME, E.A.C., c.1370, 380).

B. -

"Chair (du corps humain)" : Et, par aventure, ce que dit est sera fait plus manifeste en ceste maniere : quar se camuseté est courveté en neis ou en char, et char est la matiere de camuseté, se de toutes les chars qui sont et qui pueent estre, estoit faite une char et elle fust une chose camuse, nulle autre chose camuse ne seroit ou pourroit estre. (ORESME, C.M., c.1377, 154).

-

Chair et os : Semblablement se char et os sont la matiere de honme, et se de toute la char et de touz les os qui sont et qui pueent estre, estoit fait un honme lequel ne puet estre dissolut ou courrompu, pour certain nul autre honme ne pourroit estre. (ORESME, C.M., c.1377, 154).

C. -

"Amour physique"

-

Péché de chair : Celui qui gaste et despent trop pour acomplir ses delectacions en pechié de char ou en gloutonnie, il doit estre denommé du principal vice, et est desactrempé et n'est pas proprement prodige. (ORESME, E.A.C., c.1370, 231).
 

A. -

"Chair"

1.

"Chair (de l'homme)" : Or sus tost Gabriel, car te metz en la voie, A Marie la vierge pourteras ceste joie : Pour le salut des hommes dedans ly veul descendre, En ses precïeulx flans veul char humaine prandre (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 54). Ma char est viande de vie Qui pour vous est appareillie, Et mon sang aussi est bruvaige Dont boire porrez en vostre aige (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 97).

-

Chair et cuir. "La personne tout entière" : Prendez moy, mort, et char et cuyr ! (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 195). Tirans, pour alleger sa peine Prenez moy tost pignes a laine, Et ne vueillez jamais lacher De luy rompre et cuir et cher, Tant que son corps ayt point de vie. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 260).

-

[Dans un juron]

.

Par la chair bieu : Par la chair bieu il va en terre (Myst. st Martin K., a.1500, 343).

.

Par la chair tieu : Si le grant dyable me convoye A en tenir unng une foys, Bien peust dire que de ce moys A tieulx nouces ne se trouva. Par la cher tieu, puisqu'ansi vaz, Je veulx bien feyre mon devoir. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 70).

2.

P. méton. "Être, nature"

-

Avoir la chair hardie. "Avoir le front de" (Éd.) : Comment ont la char sy hardie, Eulx, qui sont miroir et exemple Et premiers gouverneurs du temple, De mectre loix si rigoureuses, Si ruddes, si mal amoureuses, Quant iceulx mesmes n'en font rien ! (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 589).

Rem. Le syntagme chair hardie est fréq. en a. fr. (cf. T-L II, 254).

B. -

"Viande" : Vous aurés des biens largement, Bon vim et bon pain de forment, Bonne char salée et char freyche, Et d'aultre vivres a largesse, Selon le pays de montaignie. (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 37).

-

Chair à pasté

.

[Comme terme de compar.] : A mort ! ribault, plain de diffame, Vostre derrain jour est venu. Soit detrenché et demoulu Plus menu que chair a pastez. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 186).

-

[Dans un cont. métaph.] Manger chair salee. V. salé "Subir de graves revers"
 

A. -

"Chair" (substance du corps humain) : Dieu le saint esperit de qui tu as conçeu, et Dieu le filz que tu as de ta chair vestu. (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 207).

-

Au plur. Ardoir en chairs. "Brûler vif" : ...s'on me deust en chars Ardoir ou noyer en viez puiz... (Mir. chan., c.1361, 174).

-

[P. oppos. à la peau] : Il a bien sa char revestue De bonne pel. (Mir. st Ign., 1366, 109).

-

(Synon. de peau) : Tant ay alé mont et valée Que ma char est toute hallée (Mir. st J. Cris., c.1344, 268). Après ton haubert qu'as vestu Porter a ta char nu a nu T'enjoing tant conme tu vivras (Mir. st Guill., c.1347, 28).

B. -

[Corps p. oppos. à esprit] "Chair"

-

[En parlant de consanguinité] : ...ceulx qui s'enorgueillissent de leur parentage et se vantent de leur lignage de char et despitent les autres (Mir. st Val., c.1367, 122). Mon seigneur vostre frére vient ; N'en avez plus de char si près, Soiez d'aler encontre engrès (Mir. emper. Romme, 1369, 273).

-

[Siège des instincts] : Pour mater ma char lasse et ville (Mir. parr., 1356, 31).

C. -

"Viande" : Vous en arez a bonne chiére, Soit char ou poisson ou volaille (Mir. st J. Cris., c.1344, 288). La ay je du pain et du vin Et de la char et du potage (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 233).
 

MÉD. "Chair, l'un des constituants solides du corps appelés membres" : Aprés [la graisse] vient la char de laquelle sont troys especes (PANIS, Guidon, 1478, tr.I, doct.1, chap.2). ...char simple, pure et petite qui est seullement trouvee en la teste de la verge et entre les dens (PANIS, Guidon, 1478, tr.I, doct.1, chap.2). ...char glandulleuse comme la char des genetilz ou coullions et des mamelles et des esmonctoires. (PANIS, Guidon, 1478, tr.I, doct.1, chap.2). Mais la tierce char est musculeuse et lacertose et de celle en y a grant quantité et est trouvee par tout le corps ou y a mouvement cler et esletif. (PANIS, Guidon, 1478, tr.I, doct.1, chap.2).
 

A. -

Au propre

1.

"Chair (humaine)" : Les oblacions et sacrifices sont moult cruelz bien souvent, car ilz sont de char et sang humain. (GERS., Purif., 1396-1397, 67). Le flegmatique qui est au colerique contraire pour ce quil a les qualitez de leaue qui sont froideur et moiteur est communement graue et tardif et na pas bon sens ne agu, et est moult obliuieux, paresseux et sommilleux, de char mole et fluxible, de couleur fade et blanchastre (CIB., p.1451, 219). ...lequel cymetiere est de antiquité ordonné pour les moines du lieu et, quant il advient que l'on euvre aucun sepulcre trois jours après que aucun y est en terre, l'on ne treuve os, chair, ne cendre, ne aucune apartenance de corps (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 68 v°).

-

Tollir la peau et la chair avec. V. peau

2.

"Chair (d'origine animale, destinée à la consommation) ; viande" : ...je ne scé que faire de parler affin que les innocens s'en gardent, soient grans ou petis, et celles personnes qui en auront esté deceues s'en repentent et confessent. Car je leur afferme que mangier cher le grant vendredi n'est pas si mal, et que mieulx devroient souffrir que on les despellat membre a membre que souffrir telles injures (GERS., Pent., p.1389, 78). Et valent les chars devant dictes Mieulx en rost qu'en eaue cuites, Pour la sécheur non pourrissant Qu'ilz acquièrent en rostissant, Et, se nul convoite ou desire. Char de mouton en eaue cuire, Il la doit saler paravant, Un jour au mains, s'il est savant. Maiz toute char en eaue cuite En ce temps doit estre confite D'espices aromatizans (LA HAYE, P. peste, 1426, 90). Exemple de la diete subtile de grant nourrissement et de bonne humeurs sont le rouge des eufz, vin et broués de chairs. (Rég. santé corps C., 1480, 30). Fist à Naples que nulle chair pour challeur qui peust fere, ne se povoit empirer en la boucherie du lieu. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 70 v°).

-

Rare. "Chair de poisson" : ...et semblablement les poissons derniers nommés n'ont pas les conditions dessus declarees, c'est assavoir subtile en substance, blanche cha[i]r, et cetra. Et s'il advenoit qu'il fausist mengier desditz poissons ou semblables, on ne les doit pas mengier tantost aprés qu'il sont prins, mais on les doit garder ainsi par aulcuns jours jusques autant que la chair commence a mollifier sans putrefaction. (Rég. santé corps C., 1480, 74).

Rem. FEW II-1, 390b et 393a, s.v. caro dit ne pas avoir, pour la période du Moy. Âge, d'ex. d'empl. de char/chair en parlant de poisson av. Estienne 1539 ; ce sens était présent en lat. mais disparaît en fr. sous l'influence de la terminol. de l'Église qui regroupe sous caro les viandes dont la consommation est interdite les jours d'abstinence.

B. -

Au fig.

1.

[Domaine de la parenté]

-

Propagation de chair. "Procréation" : Le premier genre d'affinité est contrait de persone additee et adjoustee a sanguinité par copule charnele juste et selon la rigle qui dist : personne adjouster a personne par propagation de char mue degré, mais non pas le genre d'abstinence, et persone adjoustee a personne par copule charnele mue genre d'abstinence, mais non degré. (Sacr. mar., c.1477-1481, 74).

-

[Exprime ici un lien étroit comme il existe à l'intérieur d'une même famille] Estre d'un sang, d'une chair. "Être consanguin" : ...Vierge si excellemment nommee benoite et honnouree, nous vous supplyons (...) par icelle amour naturele qui doit estre entre freres et seurs tout d'un sang, d'une char, en quoy vous participez avecquez nous - tant soyons povres, chetifs, en prison ou en exil, toutesfoiz sommez nous voz freres et suers : ainsi l'a Dieu voulu (GERS., Annonc., a.1400, 239).

2.

RELIG.

a)

[P. réf. à Gen. II, 24] Une chair

-

Estre deux en une chair : ...la sainte escripture tesmoingne : "Pour ce relenquira l'homme son pere et sa mere et asozira a sa femme, et seront deux en une char." (Sacr. mar., c.1477-1481, 66).

-

Faire une chair. "Unir par les liens du mariage" : L'autre compaternité est indirecte, quant l'un des mariéz, puisque ilz sont fais une char, rechoit le filz d'aultres personnes. En ce cas l'un et l'aultre parent de l'enfant sont fais comperes. (Sacr. mar., c.1477-1481, 56).

b)

[À propos du Christ ; signifie la condition terrestre] Chair humaine, chair de l'humanité

-

Prendre chair humaine. "S'incarner" : Dy pourquoy Nostre Seigneur attendi tant pour prendre char humaine ? (GERS., Annonc., a.1400, 230). Jadis aprés ce que Misericorde ot empetré pour l'umain lignage voye de redempcion, et qu'il fut ordonné par le hault conseil de la Trinité pour satisfaire a Justice, qui moult fort y contredisoit, que le Filz de Dieu prendroit cher humaine, et que la Divinité seroit unie et mariee a l'umanité pour faire satisfaction (GERS., Concept., 1401, 390).

-

La chair (de l'humanité). "La nature humaine" : Si doit estre sans ce tirant Pechié conceue ceste vierge pucelle comme elle doit estre vierge corporelment ; et point n'est a oublier que partie de sa char doit estre la char de la tres pure humanité que prendra nostre Dieu : sy doit estre tres nette et pure. (GERS., Concept., 1401, 402). La Ve. trinité est par laquelle nous sommes reparéz et recouvrons la grace de Dieu, c'est a scavoir la tresble substance qui est en Jhesu Crist, la divinité, l'ame et la char. (Somme abr., c.1477-1481, 126). Item Dieu est ez choses par union. Ainsi fut ou ventre de la vierge Marie uniz et conjoint a nature humaine, et au sepulcre fut uny a la char, et en enfer a l'ame de Jhesu Crist. (Somme abr., c.1477-1481, 138).

c)

[À propos de l'homme] "Les besoins physiques" ; plus partic. "l'instinct sexuel, la concupiscence" : Je note yci que l'eure de prier pour les mors est quant on se sent en estat de grace, ou quant on se sent en temptacion, par especial de la cher (GERS., Déf., 1400, 234). Ceste vertus [justice originelle] par ton ordonnance l'eust gouverné tellement, et tous ceulz qui l'eussent eue et gardee, que l'ame eust tenu paisiblement en subjection et obeissance la char, les membres et les sens corporelz, sans point rebeller ou desobeyr en riens a ce que Raison la saige eust deliberé, voulu ou commandé (GERS., Concept., 1401, 397). Item les hommes charnelz, qui vivent selon la char, qui font de leur ventre leur Dieu, comme gloutons, qui aourent leur ventre, ainsi que dist l'apostle Saint Pol. (Somme abr., c.1477-1481, 105). Il est une aultre trinité par laquelle l'home chut en pechié, c'est a scavoir l'enhortement du deable, la delectation de la sensualité et de la char et le consentement de raison, lesquelles trois choses sont signifiees par le serpent, par la femme et l'homme en paradis. (Somme abr., c.1477-1481, 126).

d)

[Un des trois adversaires de l'homme qui l'empêchent de gagner la grâce de Dieu] La chair, le monde et le diable (ou l'ennemi ) : ...la temptacion de ma char, de mounde et de diable. (HENRI LANC., Seyntz medicines A., 1354, 205-206). Helas, beau tres doulx hoste, vostre povre ostel, l'ostel de mon ame, est durement assegié ; de toutes pars on lui fait crueux assaulz et tres perilleuse guerre, sans sejourner, par le monde, par la chier, par l'ennemi. (GERS., Pent., p.1389, 74). Ces trois amis sont la cher, le monde et le dyable. La cher a qui tu fais tous ses plaisirs, au darrain besoing c'est cil qui de la mort ne te fera autre ayde et secours, fors que elle te convoyera jusques au sepulcre, et la te laissera en la main de tes ennemis. (GERS., Concept., 1401, 415). ...la presente eglise catholique, qui milite en combatant contre ses adversaires, qui sont le deable, le monde et la char. (Somme abr., c.1477-1481, 99).
 

A. -

"Viande" : ...pource que c'estoit le mercredi des Quatre Temps et qu'on ne mengoit point de chair (LA VIGNE, V.N., p.1495, 305).

B. -

"Substance molle du corps humain (p. oppos. au squelette)" : ...madame saincte Rose, qui repose au dit Viterbe en chair et en os (LA VIGNE, V.N., p.1495, 271).

C. -

"Surface extérieure du corps humain" : SAINCT MARTIN [au povre]. (...) du manteau qu'est sur moy estendu Tu en auras la plus grande partie. Pour tant, affin qu'elle soit my partie Et que ta chair descouverte ne soit, Prens par ung bout si sera departie (LA VIGNE, S.M., 1496, 197).
 

"Partie corporelle, matérielle de l'homme (p. oppos. à l'âme)" : Croire en la generale resurrection de la char et de la vie pardurable. (LA SALE, J.S., 1456, 38).
 

A. -

"Chair" : Dyables en ait l'ame ; ja Dieus ne la renterse. Et la char soit aus leus : s'iert pour euls bonne aerse. (MACH., Compl., 1340-1377, 266). Mon cuer vous lais et met en vo commant, Et l'ame à Dieu devotement presente, Et voist où doit aler le remanant : La char aus vers, car c'est leur droite rente ; Et l'avoir soit departi Aux povres gens. (MACH., L. dames, 1377, 206).

-

Homme de char. "Être humain" : Seur lui furent si encharnez, Qu'onques mais uns homs de char nez Ne vit homme avoir tant de plaies, De la teste jusques aus braies... (MACH., P. Alex., p.1369, 270).

-

P. méton.

.

"Corps humain" : S'ay droit, car plus que ne sueil Concueil Dou dueil Dont me dueil, Si que ma char sevelie Yert en dolereus sarqueil. (MACH., Lays, 1377, 313).

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Char humaine. "Apparence, forme humaine" : Pimalions qui moroit pour amer Pria ses dieus par tele affection Que la froideur de l'image tourner Vit en chalour et sa dure fasson Amolir, car vie avoit Et char humeinne et doucement parloit. (MACH., L. dames, 1377, 183). ...Le bel, le bon, le sage, Qui Fils de Dieu le Pere estoit, Qui consentoit Et qui voloit Que fourme et char humeinne aroit Et qu'il morroit Et getteroit D'enfer l'umein lignage. (MACH., Lays, 1377, 409).

B. -

"Chair des animaux, dont on se nourrit" : Mais cuides tu, pour estre eschars, Pour garder tes vins et tes chars, Ton or, ton argent, tes jouiaus, Tes robes a dorés nouiaus, Tes destriers, tes courciers, tes selles, Aquerir les victoires belles ? (MACH., C. ami, 1357, 114). ...Dedens ma chambre m'en revins Penre pain, sel et chars et vins (MACH., Voir, 1364, 266).

C. -

"État extérieur du corps humain" ; en partic. "aspect de la peau" : Douce et serrée Avoit la char, tendrette de rousée, Mais de maniere humble et asseürée Et de trés biau maintien estoit parée. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 72). Sa char souvent de la rousee Fu, qui vient dou ciel, arousee. (MACH., C. ami, 1357, 30). Je n'os onques si grant frisson, Si grant paour ne si grant doubte, Car la char me fremissoit toute (MACH., Voir, 1364, 200). Li roys la fist, sans detrier, Devant chascun, penre et lier, Seur une eschiele, et puis estendre. Et la dame avoit la char tendre ; Si souffroit mervilleus martyre ; Des yeux pleure, dou cuer souspire. (MACH., P. Alex., p.1369, 260).
 

I. -

"Corps sexué". Avoir hoirs de sa chair : ...ses deux freres estoient mors sans avoir hoirs de leur char par mariaige (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 153). ...la roïne de Naples estoit morte sans avoir hoir de sa char par loiaulté de mariage (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 173).

II. -

"Muscles du corps humain" : Li sires de Vertaing fu ferus sans estre blechiés en char. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 35). Sus ces deus elles, gens d'armes les commenchièrent à pousser de leurs roides lances à lons fiers et durs de Bourdiaux, qui leur passoient ces cotes de maille tout oultre et les prendoient en char. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 54).

III. -

"Viande" : ...il sont moult sobre, et se passent bien deus ou trois jours a mengier char a moitié quite, sans pain (FROISS., Chron. D., p.1400, 126). Et la fu li rois d'Engleterre assis, la couronne d'or moult rice et moult noble sus le chef, plus haut .V. piés que nuls des aultres sus le banc d'un bouchier ou il tailloit et vendoit sa char. (FROISS., Chron. D., p.1400, 293).
 

A. -

"Le corps (p. oppos. à l'esprit)" : ...te semble il que je ne soye ennuyé, qui veulx que je me passe de la char de ma femme. [Pour montrer à son ami qu'un homme ne peut se satisfaire (se passer) d'aimer toujours la même femme, un seigneur lui fait servir chaque jour du pâté d'anguille] (C.N.N., c.1456-1467, 83). ...il [Dieu] veult par ung hoir de ta char, c'est a savoir ta fille, l'Eglise son espouse reunir (C.N.N., c.1456-1467, 98).

B. -

[P. oppos. à poisson] "Viande" : ...ne puis [je] donc pas (...) sçavoir par parolles faire convertir ces perdriz, qui est chair, de poisson devenir, jasoit ce qu'elles retiennent la forme de perdriz ? (C.N.N., c.1456-1467, 583).

C. -

P. ext. "Chose importante (p. oppos. à ce qui l'est moins)" : Qui fut esbahy et courroucé, ceste response oye, ce fut nostre va-luy-dire, qui s'en revint devers son maistre a tout ce qu'il avoit de poisson, car a char avoit il failly. [Chargé d'informer une jeune fille des intentions amoureuses de son maître le valet a échoué dans sa mission] (C.N.N., c.1456-1467, 155).
 

A. -

"Muscles et peau du corps humain" : ...et par autant de fois et aussi fort comme l'en piqueroit icellui botereau, la char de celui pour lequel l'en feroit ce sentiroit autant d'angoisse comme feroit icellui botereau. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 306).

B. -

"Viande" : ...[ils] mengierent du pain et de la char que on leur avoit donnée pour Dieu en laditte ville, et burent vin vermail (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 427). ...il qui parle venoit de la boucherie d'icelle ville, pour querre de la char pour l'ostel dudit mons. l'evesque, sur heure de matin (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 549).
 

A. -

[Expr. avec équivoque érotique] La chair couste à qqn plus que le poisson. "Les relations amoureuses (avec qqn) lui coûtent cher (?)" : ...Jehan Lesnare, dit de Magny, surnommé Alain, né de la seneschauciée de Poitou, (...) prisonnier (...), après ce qu'il ot dit de par la dame de Meno à Jehan du Boulon, demourant pour lors à Chielle soubz Pierrefons, que la char lui cousteroit plus que le poisson et que le dit du Boulon fu sailli hors de sa maison, en disant au dit prisonnier qu'il estoit très mauvaiz lierres et que qui lui fist raison, l'en le pendroit à un gibet qui lui monstroit au doy, et que ycelui prisonnier eust respondu qu'il mentoit comme mauvaiz villain Jaques qu'il estoit... (Doc. Poitou G., t.6, 1396, 257).

B. -

[Juron]

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Par la chair Dieu : A ! villain, vous en faut il parler ? Par la char Dieu, avant que je m'en aille de seans, j'en turay ung. (Doc. Poitou G., t.10, 1463, 425).

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Jurer la chair de : Lequel Meslon, ce voiant, se commença à esmouvoir contre ledit Chaillou et de rechief jura deux ou trois foiz la char de Nostre Seigneur qui copperoit la gorge audit asne. Lequel Berault, voyant que icellui Melon juroit le nom de Dieu si terriblement, luy dist bien amiablement que ce n'estoit pas bien fait de jurer ainsi la char et le nom de Dieu, et que qui lui feroit raison que l'on le mettroit en bonne prison. (Doc. Poitou G., t.10, 1463, 425).
 

"Viande" : Et fu ce jour generalement à Paris faicte abstinence de cher par le commandement de l'evesque de Paris ou ses vicaires. (FAUQ., I, 1417-1420, 180).
 

A. -

"Corps humain"

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Avoir hoir de sa chair : Or nous est demouree de lui une belle pucelle et bonne, laquelle est sa fille, et n'a pas plus de hoirs de sa char que elle. (ARRAS, c.1392-1393, 141).

B. -

"Viande" : Et les [les ouvriers] paioit Melusigne tous les samediz, si qu'elle ne leur devoit denier de reste. Et trouvoient pain, vin, char et toutes choses propices que il leur failloit, par grant habondance. (ARRAS, c.1392-1393, 46).

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Chair salee : Et n'ayez doubte, vous avez assez bescuit, eaue doulce, vin aigre, chars salees, poissons salez et de bons vins pour grant temps. (ARRAS, c.1392-1393, 88).

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[En cont. métaph.] Manger telle chair. "Manger de cette viande-là" : ...voient ilz et scevent bien [les chrétiens] que encontre le grant peuple que nous avons ilz ne pevent avoir victoire et si font semblant que ilz ne nous resoingnent ne que se nous feussions aussi pou de gens comme ilz sont. Par Mahon, dist le soudant de Barbarie, se ilz estoient tous cuiz, et il feust acoustumé de mengier telle char, il n'en y a pas assez pour nous repaistre. Et par ma loy, s'il n'y avoit que moy et ma gent, si n'en repasseront il ja pié dela la mer. (ARRAS, c.1392-1393, 226).