Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

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     BEAU     
FEW I bellus
BEAU, adj.
[AND : bel ; DÉCT : bel ]

"Beau"

I. -

[Appréciation favorable]

A. -

"Qui procure une satisfaction d'ordre esthétique, qui plaît"

 

1.

[En parlant d'une pers.] : Tenez : ne veistes des mois Plus bel enfant. (Mir. Theod., 1357, 106). Il est courageux a planté, Et s'est bel homme. (Mir. Amis, c.1365, 20). ...il semble que se soit un roy, Tant est bel et de bel maintien (Mir. fille roy, c.1379, 54).

 

2.

[En parlant du corps, d'une partie du corps] : Tu as biau corps et doulx visage (Mir. st J. Paulu, c.1372, 97). Je scé en la rue du Plastre Un biau visage femenin Que trop convoite un turlupin. (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 249).

 

3.

[En parlant de choses, naturelles ou créées] : Alons touz ensemble chantant Ce chant qui est bel et plaisant (Mir. femme roy Port., c.1342, 202). Un joiau li envoieroie Riche et bel (Mir. st Val., c.1367, 128). Mais j'ay trop bien trouvé, chier sire, Un homme de si bel arroy Qu'il semble que se soit un roy (Mir. fille roy, c.1379, 64).

 

-

Bon et bel : ...cest annel Te doing qui est et bon et bel (Mir. Amis, c.1365, 5).

B. -

P. ext. "Qui produit de l'agrément, de la satisfaction"

 

1.

"Qui est agréable" : Je croy se (...) du meilleur et du plus bel Vin de ceans aussi buvez Une foiz, qu'en bon point serez De vostre cuer. (Mir. abbeesse, 1340, 76). ...c'est un bourgeois Larges (...) Qui maint biau diner a donné. (Mir. march. juif, c.1377, 173).

 

a)

En partic. [En parlant d'attitudes, de comportements (envers qqn)] : ...gardez que nulz De ceste foy ne vous retraie Pour biau parler qu'il vous retraie, Ne pour menace. (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 332). Faites li biau semblant, sanz faille : Tenue y estes. (Mir. Amis, c.1365, 57). Certes je n'en voulroie avoir Nulle pour ceste [dame], tant l'ay chier (...) Pour son sage et biau maintenir. (Mir. ste Bauth., c.1376, 93).

 

b)

[En constr. attributive]

 

-

Bel et gent : LE FÉVRE. Ce salaire m'est bel et gent. Biau pére, a Dieu, bien me souffist. (Mir. st Guill., c.1347, 30).

 

-

Bon et bel : Alons (...) Reprendre vueil nostre rondel, Car de chant est et bon et bel Et il vous doit aussi plaire. (Mir. st Sev., 1362, 205).

 

-

Estre bel à qqn. "Convenir à qqn, lui être agréable" : G'y vueil aler, car moult m'est bel Quant j'oy sermonner de la vierge (Mir. abbeesse, 1340, 60). Vez ci c'on te vient apporter L'enfant, moult te doit estre bel, Qui sera du peuple Israel Sauveur (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 224). Gabriel amis, ce m'est bel. Chantons nous deux ensemble (Mir. st J. Cris., c.1344, 277). Las ! conme il me fut bel et gent Que mon confesseur en feisse ! (Mir. st Guill., c.1347, 22). ...se Dieu trouver le me lait, Poson qu'il li soit bel ou lait, En la fourme que le me dites Li diray (Mir. Oton, c.1370, 321). Il vous faudra, soit lait ou bel, Que vous entrez en ce batel (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 59).

 

-

Estre bel à + inf. : Disons donc ce rondel d'accort, Bel est a dire. (Mir. nonne, 1345, 328).

 

c)

[P. affaiblissement, terme d'affection ; en apostrophe] : Bele niéce, par amour fine Vous doing ceste couronne (Mir. Oton, c.1370, 337). Or par temps, beaus fils, le serez : Ne vous ennuit. (Mir. fille roy, c.1379, 91).

 

-

Empl. subst. : ROY PEPIN. Bele, dites : ou alez vous ? (Mir. Berthe, c.1373, 233). ROY PEPIN. Bele, faites ma voulenté : Se voulez devenir m'amie, Sachez je ne vous faudray mie (Mir. Berthe, c.1373, 233).

 

.

[Avec prédéterm.] : LA DAMOISELLE. (...) A ma dame parler venez : Clotilde par moy le vous mande. (...) AURELIAN. Et g'iray voulentiers, ma bele (Mir. Clov., c.1381, 206).

 

2.

"Qui satisfait par son apparence et en raison de l'appropriation à la fin recherchée"

 

a)

[En parlant de pers.] : Car biaux estoit, jones et sages Et biau parlier. (Mir. femme, 1368, 195).

 

-

Bon et bel : PREMIER CHEVALIER. (...) Il ne nous fault qu'un homme sage Qui face au pape ce message (...). DEUXIESME CHEVALIER. J'en bailleray un bon et bel Et sage assez (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 7).

 

b)

[En parlant de choses]

 

-

[Obj. concr.] : Tu les pourverras d'un batel Qui soit pour eulx et bon et bel (Mir. ste Bauth., c.1376, 153).

 

-

[Résultat d'une action] : Pour l'amour de vous (...) Acquerre, les vous y donrray [ces escharboucles], Mais jamais jour je ne feray Si biau marchié. (Mir. pape, 1346, 391). Plusieurs pais ay puis marchié Et fait aussi maint biau marchié Ou j'ay gangné (Mir. march. juif, c.1377, 205).

 

.

Bel et bon : LE ROY. (...) Que vous semble (...) De ce sermon ? LA ROYNE. Il m'a semblé et bel et bon (Mir. fille roy, c.1379, 10).

 

-

[Lieu] : Delez l'eglise a un hostel Pour reclusage bon et bel (Mir. st J. Cris., c.1344, 292). Regardez ; vezci un lieu bel Ou riens ne fault. (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 262).

 

c)

[En parlant d'une manière d'être ou de faire] : ...grant joie en mon cuer ay. [l. ay] Des bonnes gens que je voi ci Assemblez (...). Bele ordenance est, ce me semble : C'un point n'y fault. (Mir. ev. N.D., c.1348, 57).

 

d)

Empl. adv. "De manière satisfaisante" : Dieu, con noblement atourné Ont ce siége et bel aourné ! (Mir. ev. N.D., c.1348, 71). ...si bel savez desservir A ceulx qui, par devocion, Ont en vous leur entencion. (Mir. ev. N.D., c.1348, 82).

 

-

Bien et bel. "Bel et bien" : Sire, vous parlez bien et bel, Ce m'est advis, et de grant sens (Mir. ev. arced., c.1341, 122). LE ROY. Je voy une lettre gisant La ; d'ou vient elle ? PREMIER CHEVALIER. (...) Je ne sçay, mais d'estrange seel Est seellée bien et bel (Mir. st J. Cris., c.1344, 294).

 

-

Avoir beau + inf. "Avoir tout lieu de faire qqc." : Certes, je demande une chose Que vous m'avez bel escondire Et refuser par raison, sire (Mir. Oton, c.1370, 370). Vous vous avez biau depporter Con se vous fussiez le roy Daire ; Car jusqu'a la riviére d'Aire, Sire, vostre regne s'estent, Et tout le plat pais si tent A soubz vous estre. (Mir. Clov., c.1381, 258).

 

-

Venir à bel à qqn. "Plaire à qqn, lui être agréable" : Pour Dieu, ou as tu ton cuer mis, Ne pour qui fais tu ce chappel ? Ne sçay conment te vient a bel Tel trufferie. (Mir. march. larr., c.1349, 95).

 

e)

Au superl.

 

-

Avoir le plus bel (d'un combat). "L'emporter, vaincre" : Je voy d'eulx sommes au dessus : Le plus bel avons de la guerre, Car je voy la leur roy par terre Tout mort gisant. (Mir. Clov., c.1381, 266).

 

-

Au plus bel. "De la manière la plus satisfaisante" : ...en alant vous chanterez Tout au plus bel que vous sarez Pour nous esbatre. (Mir. prev., 1352, 259).

 

-

[En constr. attributive]

 

.

C'est le plus bel. "C'est le mieux, c'est la meilleure chose" : TROISIESME BARON. S'il vous plaist, sire, aussi g'iray Avecques vous. QUATRIESME BARON. C'est le plus bel : alons y touz, Puis que a ce vient. (Mir. ste Bauth., c.1376, 111). ...c'est pour vous le plus bel Que de ce qui li appartient Ly envoiez, il esconvient, Le satisfait. (Mir. Clov., c.1381, 235).

 

3.

"Qui a une valeur d'exemplarité" : ...je sui mére de bele amour ; en moy est grace de toute vie et verité. (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 307). ...s'il vous pouoit envie Prendre de vouloir regarder Conment virginité garder Peussez tant qu'avez a vivre, Ne pourriez, voir, en plus biau livre Lire, ne de plus grant merite (Mir. st Alexis, 1382, 306).

 

-

[En parlant de Dieu] : Erambourc, prenez cel enfant En l'onneur du biau roy puissant (Mir. enf. diable, c.1339, 17).

C. -

[Marque de plénitude]

 

-

Beau néant. "Rien du tout, néant absolu" : C'est bien chose a croire et savoir Que des choses qui sont ça jus Envers celles qui sont la sus C'est un biau nient. (Mir. ev. N.D., c.1348, 82). PREMIER POVRE. (...) Y avez vous [a l'ostel Pierre le changeur] nulz avantages N'aumosnes, dites ? DEUXIESME POVRE. D'un biau nient dire t'aquittes. (...) du plus merde et plus aver Homme que l'en puisse savoir Parles (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 234).

II. -

[Appréciation défavorable (p. iron. ou p. antiphr.)] : LE LARRON. (...) Mettre me vueil en autre point Et mes meurs changier et muer. (...) LE VALLET DU LARRON. Il a bele queue, le chat ; Il ne pourra mais de lait boire. Vous ferez pis, par saint Magloire, Que n'avez fait. (Mir. march. larr., c.1349, 110).
 

Miracles Pierre Kunstmann


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