C.N.R.S.
 
Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

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     TENIR     
FEW XIII-1 tenere
TENIR, verbe
[DÉCT : tenir ]

I. -

Empl. trans.

A. -

"Avoir à la main"

 

1.

Tenir qqn : ...l'ermite, qui par la main la tient, en sa chapelle [la] convoye (C.N.N., c.1456-1467, 103). Après le soupper, la compaignie s'en alla a l'esbat ; le chevalier estrangier tenant madame par le braz, et aucuns aultres gentilz hommes tenans le surplus des damoiselles de leens. (C.N.N., c.1456-1467, 249). ...le mary entra le premier, et vit que monseigneur le curé tenoit sa femme entre ses braz (C.N.N., c.1456-1467, 494).

 

-

Tenir qqn sur fonts. "Être son parrain" : ...[le chevalier] fut requis d'ung son subject demourant en sa ville mesme d'estre parrain de tenir sur fons son enfant (C.N.N., c.1456-1467, 426).

 

-

Au fig. Tenir Dieu par les pieds. "Être au septième ciel" : La veille, de joye esprise, cuidant Dieu tenir par les piez, [se] leve de haulte heure (C.N.N., c.1456-1467, 101).

 

2.

Tenir qqc. : ...tenant la chandelle en sa main, [il] se tire près du lit. (C.N.N., c.1456-1467, 26). Le [prieur], doubtant le cousteau et la main perilleuse qui le tenoit, ne sçet que dire. (C.N.N., c.1456-1467, 61).

B. -

"Maîtriser, maintenir, conserver, retenir"

 

1.

Tenir qqn : ...tantost qu'il fut affublé du doulx manteau de mariage, jasoit que alors il fust yver, il fut si fort eschaufé que on ne le savoit tenir. (C.N.N., c.1456-1467, 87). Il la tint tant et si longuement avec luy (...) que le ventre luy commença a bourser (C.N.N., c.1456-1467, 103). ...puis qu'el est telle, au dyable voit elle ! Je suis bien content que le marchant l'ayt et la tienne ; mais quant est de l'enfant, il est mien, et si le veil ravoir. (C.N.N., c.1456-1467, 148). ...elle respondit que Fortune l'y avoit amenée. "Fortune ! dist il ; or Fortune vous y tienne !..." (C.N.N., c.1456-1467, 148). ...les serviteurs de leens (...) devoient tenir bon curé, qui n'avoient garde de le laisser [eschapper] [Avant une intervention chirurgicale] (C.N.N., c.1456-1467, 405). Quand les gens de la rue virent la bataille de ces deux compaignes (...) furent tous esbahiz, et les vindrent tenir et deffaire l'une de l'autre. (C.N.N., c.1456-1467, 524).

 

-

P. ext. "Capturer" : ...ilz ne l'amoient gueres, mais le menassoient tousjours de pendre, s'ilz le povoient tenir. (C.N.N., c.1456-1467, 449). ...vous sauldrez sur l'assemblée, et en prendrez et tiendrez a vostre volunté (C.N.N., c.1456-1467, 450). ...s'ilz [les sergents] vous tenoient, vous n'eschapperiez de la prison devant [long] temps. (C.N.N., c.1456-1467, 509).

 

-

Tenir qqn + adj. "Faire en sorte qu'il soit" : ...[l'évêque] estant arrivé par ung vendredy assez de bonne heure, vers le soir, ordonna son maistre d'ostel le faire souper de bonne heure, et le tenir le plus aise que faire se pourroit, de ce dont on pourroit recouvrer en la ville (C.N.N., c.1456-1467, 580).

 

-

Tenir qqn en (un lieu) : ...ce gentil homme consentit le mariage de sa seur et du bergier, et fut fait, et les tint tous deux en son hostel (C.N.N., c.1456-1467, 361). ...ilz vouloient avoir la ribauldelle qu'il tenoit fermée en sa chambre (C.N.N., c.1456-1467, 550). ...pour la grand joye et ardent desir qu'elle avoit de tenir son clerc en sa maison, trembloit et ne savoit tenir maniere. (C.N.N., c.1456-1467, 571).

 

-

Tenir qqn près : ...tant près la tient son mary, qu'il ne la laisse d'ung pas sinon a l'heure de la messe (C.N.N., c.1456-1467, 257). Mon voisin, je me donne grand merveille (...) que vous ne mariez vostre fille, et a quel propos vous la tenez tant d'emprès vous (C.N.N., c.1456-1467, 295). ...ou qu'il rencontrast la gouge, de tant près la tenoit que contraincte estoit, voulsist ou non, donner l'oreille a sa doulce requeste (C.N.N., c.1456-1467, 455).

 

-

Tenir (une femme)/à pain et à pot. "L'entretenir" : Entre les aultres chevaliers de Bourgoigne ung en y avoit nagueres, lequel, contre la coustume et usage du païs, tenoit a pain et a pot une donzelle belle et gente, en son chasteau (C.N.N., c.1456-1467, 454).

 

-

Tenir qqn à fer et à clou. "Le surveiller sévèrement" : ...[elle] s'en alla bouter cy devant en l'ostel d'un tel marchant, qui la tient a fer et a clou. (C.N.N., c.1456-1467, 148).

 

-

Tenir qqn de court. "Le surveiller de près" : ...du temps de feu son pere et sa mere avoit esté bien court tenu ; et sur toute rien luy estoit et fut defendu le mestier de la beste a deux doz (C.N.N., c.1456-1467, 132). ...[l'abbesse] fist tenir bien de court, a cause de ceste religieuse, toutes les aultres, fermer les huys des cloistres (C.N.N., c.1456-1467, 305).

 

-

Tenir qqn à grau. "L'avoir à sa merci" : Quelque refus que de la bouche elle m'ayt fait, si en cheviray je bien si je la puis a graux tenir. (C.N.N., c.1456-1467, 117).

 

-

Tenir qqn en (une situation) : ...voz yeulx (...) ne sont pas les plus eureux de faire les plus seurs jugemens, mesmes a ceulx qui sont tenuz en l'amoureux servage. (C.N.N., c.1456-1467, 165).

 

-

Tenir la main à qqn : Si vous prie, messeigneurs, que chacun tienne la main a ce ribauld qu'il ne nous eschappe, car il est fort et roidde. (C.N.N., c.1456-1467, 383).

 

Rem. Ici, sens propre et fig.

 

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Tenir la main à ce que + subj. "Veiller soigneusement à ce que" : ...si vous prie que ad ce tenez la main que je n'aye cause d'en trouver aucune matere de jalousie. (C.N.N., c.1456-1467, 95).

 

-

Au fig. : Par mon serment, je ne vous ay pas oy lever. J'estoye entrée en ung songe qui m'a tenu[e] ainsi longuement. (C.N.N., c.1456-1467, 266). Tantdiz que quelque ung s'avancera de dire quelque bon compte, j'en feray ung petit qui ne vous tiendra gueres (C.N.N., c.1456-1467, 489).

 

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Tenir qqn de + inf. "Le retenir, l'empêcher de" : ...ung president saichant la deshonneste vie de sa femme, la fist noyer par sa mulle, la quelle il fit tenir de boire par l'espace de huit jours (C.N.N., c.1456-1467, 11).

 

.

Tenir qqn que : ...ne sçay qui me tient que je ne me leve et vous egratigne le visage (C.N.N., c.1456-1467, 244).

 

2.

[Valeur concr. ou/et abstr.] Tenir qqc.

 

-

Tenir qqc. : ...monseigneur ; tenez aussi ce buleteau, dit elle, sur vostre teste, vous semblerez tout a bon escient estre une femme. (C.N.N., c.1456-1467, 119).

 

.

[Empl. conjoint avec maintenir] : Ce procés tant plaisant et nouveau, affin qu'il fust de pluseurs gens congneu, fut en suspens tenu et maintenu assez et longuement (C.N.N., c.1456-1467, 37).

 

-

Tenir (un lieu). "L'occuper, s'y installer" : Quand il fut heure, [l'espousée] fut couchée, comme il est de coustume, et tint le coing du lit, sans mot dire. (C.N.N., c.1456-1467, 299).

 

-

Tenir (sa) place : Je suys mesme venu pour y tenir ma place, mais c'est trop tard. (C.N.N., c.1456-1467, 212).

 

-

Tenir la place/le lieu de

 

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"Occuper la place de qqn" : Et s'il accepte la journée, dit madame, je viendray tenir vostre place ; et du surplus laissez moy faire. (C.N.N., c.1456-1467, 74). ...[il] vint a son compaignon, qui n'actendoit que l'heure d'aller aux armes, et luy dist qu'il aille tenir son lieu, mais qu'il ne sonne mot (C.N.N., c.1456-1467, 76). ...quant il fut au lieu, il ne demoura gueres après, la semonce de son desir tenant le lieu de mareschal, qu'il ne mist main a la besoigne [Cont. érotique] (C.N.N., c.1456-1467, 89). ...plus luy nuysoit son bon mary, tenant le lieu en ce cas du tresmaudit Dangier (C.N.N., c.1456-1467, 182).

 

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"Remplacer, servir de (qqc.)" : ...le courtois gentil homme, tenant lieu de bahu sur le doz de celle qui sur son ventre l'avoit soustenu, laissa couler ung gros sonnet (C.N.N., c.1456-1467, 124).

 

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Tenir ménage. "Être installé dans la vie de couple" : Quand les XIIJ jours furent passez que noz deux jeunes [gens] sont mariez, combien qu'ilz n'eussent encores ensemble tenu mesnage, la mere vint visiter son escoliere (C.N.N., c.1456-1467, 498). ...[le marchand] print desplaisance de demourer a l'ostel en oysiveté et d'y tenir mesnage en la maniere qu'il convient a ceulx qui y sont lyez (C.N.N., c.1456-1467, 558).

 

-

Tenir le hoc en l'eau. V. hoc

 

-

Tenir (une leçon). "La retenir" : ...vous trouverez que la doctrine de vostre pere vous vaulsist mieulx avoir tenue. (C.N.N., c.1456-1467, 330).

 

-

Tenir voie/chemin. "Suivre une route"

 

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Au propre : Tantost qu'elle fut partie, bon mary de monter a cheval, et par aultre chemin que sa femme tenoit, picque tant qu'il peut au Mont-Saint-Michel (C.N.N., c.1456-1467, 408). [il] chevauchoit a travers champs sans tenir voies ne sentiers (C.N.N., c.1456-1467, 547).

 

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Au fig. : ...[elle] s'excusa si gracieusement que monseigneur en son courage tresbien l'en prise, combien qu'il amast mieulx qu'elle tenist aultre chemin. [Un cas de harcèlement sexuel] (C.N.N., c.1456-1467, 116).

 

-

Tenir qqc. + adj. "Maintenir cette chose telle quelle" : ...l'autre tint si secret son cas que chacun en fut adverty. (C.N.N., c.1456-1467, 277). ...une maladie le print en l'oeil si greve, qu'il ne le povoit tenir ouvert (C.N.N., c.1456-1467, 502).

 

3.

[Le compl. d'obj. désigne une attitude, un comportement]

 

-

Tenir (un engagement) : ...je vous veil tenir sans faulser ma promesse. (C.N.N., c.1456-1467, 167). ...il n'en diroit mot si les dictes parties ne se soubzmettoient, en peine de dix nobles, que de tenir ce qu'il en diroit [Avant de rendre sa sentence, le juge exige la promesse des parties de s'y conformer] (C.N.N., c.1456-1467, 393).

 

-

Tenir compagnie à qqn : ...il s'en vint devers Conrard pour luy tenir compaignie au disner (C.N.N., c.1456-1467, 173). ...je vous promet par ma foy de vous tenir bonne compaignie. (C.N.N., c.1456-1467, 340).

 

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Tenir compagnie à qqn à + inf. : ...affin que sa chambriere luy tinst compaignie a querir son mary, elle s'en alla en sa chambre pour la faire lever. (C.N.N., c.1456-1467, 367).

 

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Tenir compte de qqn : ...souvent faire la chose que savez fait oublyer et pou tenir compte de celle qu'on ayme, et dont on est fort feru. (C.N.N., c.1456-1467, 363). ...s'ilz monstroient semblant de peu tenir compte d'elles, elles monstroient tout apertement de rien y compter (C.N.N., c.1456-1467, 364). ...estoit l'intencion de leur guide de les mener a l'hostel de la dame dont il estoit le cher tenu, et dont mains de compte il tenoit que par raison il ne deust. (C.N.N., c.1456-1467, 477).

 

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Tenir grand chose de qqc. "Être grandement redevable de cette chose" : Or loé soit Dieu, dist de rechef l'espousé, de ce change ! Je n'en voulsisse pas tenir grand chose que Dieu vous a envoyée a moy, et je vous promet par ma foy de vous tenir bonne compaignie. (C.N.N., c.1456-1467, 340).

 

Rem. L'interprétation de cette phrase n'est pas évidente : à la suite d'une confusion, le curé a marié un vieillard à une jeune fille qui voudrait retrouver le jeune fiancé qu'elle devait épouser. Le vieillard refuse, feignant ironiquement de voir là un don de Dieu auquel il témoignera sa reconnaissance en traitant bien sa jeune épousée.

 

-

Tenir (sa) manière : ...elle attendoit son mary (...), tresadvisée de son fait et de ses manieres qu'elle devoit tenir. (C.N.N., c.1456-1467, 27). ...il fut si honteux que a peine savoit il tenir sa maniere (C.N.N., c.1456-1467, 371). ...il estoit si tard qu'ilz ne savoient ou ilz pourroient oyr messe. Alors dist Montbleru, qui tenoit trop bien maniere : "Tant que d'oyr messe, il est meshuy trop tard..." (C.N.N., c.1456-1467, 399).

 

-

Tenir loyauté à qqn : Si s'advisa d'un tresbon tour pour contenter tous ses parens, sans enfraindre la loyaulté qu'elle veult tenir a son serviteur (C.N.N., c.1456-1467, 170).

 

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Tenir rigueur à qqn : M'amye, dist il, je vous requier que vous me dictes la cause qui vous meut de moy tenir si grand rigueur quand je vous veil baiser. (C.N.N., c.1456-1467, 317).

 

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Tenir halle de neant. "Tenir de vains propos" : ...affin que vous cognoissez ma volunté, sans tenir cy halle de neant, je vous conseille que me baillez ma part justement de la moitié, ou vous arez incontinent hutin. (C.N.N., c.1456-1467, 523).

 

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Tenir dévotion : ...[Jésus nous] invite au son des devotes prieres qui se font en nostre eglise parochiale, et ou nous adjoustons tres grand foy et tenons ferme devocion. (C.N.N., c.1456-1467, 223).

 

-

Tenir une doctrine. "Être fidèle à un enseignement" : ...son mary estoit tressaige quand si bien luy avoit acertené que garder ne se pourroit en continence et chasteté, de qui toutesfoiz elle vouloit garder et tenir la doctrine, et avecques ce la promesse que faicte luy avoit (C.N.N., c.1456-1467, 568).

 

4.

[Expr. de la pensée]

 

-

Tenir + inf. "Maintenir que" : ...il tenoit fermement avoir laissé cheoir son dyamant ou le dit Thomas l'avoit trouvé (C.N.N., c.1456-1467, 394).

 

-

Tenir + prop. inf. : ...combien que nous tenons assez estre en vostre memoire l'obligacion qu'avez a l'eglise, il ne vous desplaira pas pour plus grand seureté si je vous en touche aucuns des plus gros poincts. (C.N.N., c.1456-1467, 223).

 

-

Tenir que. "Affirmer (avec certitude) que" : ...qu'il y ait entretiennement, rien ; ains tiens que ce soit la maindre de ses pensées (C.N.N., c.1456-1467, 232). ...[je] tiens, qui en aroit a faire, qu'on la trouveroit aujourd'huy ou reng de noz cousines, en Avignon (C.N.N., c.1456-1467, 350). ...quand elle peut parler, crya mercy, et promist de non plus faire. Et je tiens que non fist elle de sa teste. (C.N.N., c.1456-1467, 411).

 

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[Empl. conjoint avec croire] : ...croy et tiens fermement que, si n'eust esté le veu du voyage, que chacun d'eulx eust couché avec sa chacune. (C.N.N., c.1456-1467, 201). En bonne foy, je croy et tiens fermement que vous avez pour ceste heure tresbon et entier propos (C.N.N., c.1456-1467, 564).

C. -

"Avoir, posséder"

 

-

Tenir qqc. de qqn : ...je ne suis pas celle qui vous vouldroye en maniere du monde desobeir, voire sans la promesse que j'aroie faicte a Dieu mon createur, de qui je tiens plus que de vous. (C.N.N., c.1456-1467, 170).

 

-

Tenir (sa) résidence. "Habiter" : ...ung bon homme, laboureur et marchant et tenant sa residence en ung bon village de la chastellenie de Lille (C.N.N., c.1456-1467, 289).

 

-

[Dans un cont. relig.] Tenir bénéfices : ...[le clerc] gaigna son maistre, lequel n'avoit pas pou de regret qu'il n'estoit habile a tenir benefices, car largement l'en eust pourveu (C.N.N., c.1456-1467, 285). M'amye, par ma foy, je ne me puis jamais marier, car je suis homme d'eglise et tiens benefices telz et telz, comme vous savez (C.N.N., c.1456-1467, 415).

 

-

Tenir (paroles). "Parler, tenir des propos" : ...ne vous ay je pas bien veu après disner tenir voz longues parolles a une femme en la sale en bas ? (C.N.N., c.1456-1467, 71). ...ilz (...) tenoient termes comme s'ilz fussent mal contens (C.N.N., c.1456-1467, 263). Si conclud de luy tenir telz termes petit a petit qu'il se pourra assez percevoir, s'il n'est trop beste, que sa hantise si continuelle ne luy plaist pas. (C.N.N., c.1456-1467, 331). ...[il] ne sceut oncques tant faire (...) qu'il peust obtenir de sa dame le gracieux don de mercy, ainçois la trouva tout temps rigoreuse, puis qu'il tenoit langage sur ces termes. (C.N.N., c.1456-1467, 343). ...d'aultre chose ne tenoient leurs devises que de pourpenser et adviser moien par lequel leur souverain desir pourroit estre accomply (C.N.N., c.1456-1467, 546).

 

-

Tenir bonne bouche. "Être discret" : ...elle luy promist que, s'il tenoit bonne bouche, elle luy donneroit de la char et de mouton pour fournir son mesnage pour toute ceste année (C.N.N., c.1456-1467, 277).

 

-

Tenir silence. "Garder le silence" : Il conclud toutesfoiz tenir silence et nul mot dire jusques ad ce qu'il verra mieulx son point. (C.N.N., c.1456-1467, 243).

 

-

Tenir du bien de qqn. "En penser du bien" : ...tantost cogneut qu'elle aroit a la jouste failly, dont elle tint beaucop mains de bien du jousteur. [Connotation érotique] (C.N.N., c.1456-1467, 195). ...j'ay trop tost adjousté foy a voz semblans et decevables parolles (...) ; vous en tenez a present trop mains de bien de moy. (C.N.N., c.1456-1467, 235).

 

-

Tenir (une assemblée) : ...les pouvres aveuglez cuidoient bien seulz estre empeschez de leur besoigne, et ne se doubtoient gueres qu'on en tenist conseil ailleurs qu'en leur presence (C.N.N., c.1456-1467, 164). ...monseigneur, son conseil et son peuple qui cy est, ont tenu a ceste heure ung petit chapitre du fait de leurs consciences (C.N.N., c.1456-1467, 222). Quand on eut grand piece tenu parlement de ces chemises perdues, dont Montbleru cognoissoit bien le larron, ces bons seigneurs dirent... (C.N.N., c.1456-1467, 398).

D. -

"Considérer, avoir dans l'esprit, traiter"

 

-

Tenir qqn + adj./subst. "Le considérer comme" : ...vous me voulez tenir vostre subjecte et esclave, sans avoir loy de parler de deviser a autre que a vous. (C.N.N., c.1456-1467, 235). Si se pensa qu'elle feroit mal de laisser son mary chargé de la pluspart d'eulx [ses enfants], car il n'en estoit pas le pere, combien qu'il le cuidast et que la tenist aussi bonne que nulle de Paris. (C.N.N., c.1456-1467, 327). ...[sa soeur] faisoit compaignie a sa femme, qui beaucop l'amoit et tenoit chere. (C.N.N., c.1456-1467, 357). ...des choses perdues on le tenoit vray enseigneur, et de toute science aussi le tresparfect docteur (C.N.N., c.1456-1467, 469). Damoiselle, je vous mercye de voz biens ; vous m'avez tenu bien aise, la vostre mercy. (C.N.N., c.1456-1467, 488).

 

-

Tenir qqn/qqc. à + adj./subst. : ...elle a fait ung beau filz et a jeü leans, et l'a fait le marchant chrestienner, et le tient a sien. (C.N.N., c.1456-1467, 148). ...[il] tenoit a belle adventure que d'avoir eu cest eur et avoir joy de l'amour de sa dame (C.N.N., c.1456-1467, 393).

 

-

Tenir qqn/qqc. pour + subst. : ...[le meunier] s'excusa treshaultement, mesmes osa bien d[emander] a madame s'elle le tenoit pour larron. (C.N.N., c.1456-1467, 44).

 

-

Part. passé en empl. subst. : ...estoit l'intencion de leur guide de les mener a l'hostel de la dame dont il estoit le cher tenu (C.N.N., c.1456-1467, 477).

E. -

[Empl. interjectif]

 

1.

[Passage à la lexicalisation : ambivalence] : Elle, voyant que la force n'estoit pas sienne, se desarma et de sa robe et de sa cotte simple, et demoura en chemise : "Tenez, dit elle, fays je bien ce qu'il vous plaist ?..." [Le mari exige de sa femme qu'elle lui remette tous ses habits] (C.N.N., c.1456-1467, 420).

 

2.

[Lexicalisation achevée] : ...lors se tourne vers son lit et leve la couverture et leur monstre et la mere et l'enfant. "Tenez, dit il, veez la vache et le veau : suis je pas bien party ?" (C.N.N., c.1456-1467, 200).

II. -

Empl. intrans.

A. -

"Être solidement installé" : ...ce devant fut trestout asseuré et tenoit tresferme et bien. (C.N.N., c.1456-1467, 41). ...il s'apperceut, ne sçay comment, que mon devant ne tenoit comme rien, et qu'il estoit en trop grand adventure de cheoir. (C.N.N., c.1456-1467, 41). Ma foy, dit elle, il m'est prins ung tel mal de teste que je ne saroye tenir sur piez (C.N.N., c.1456-1467, 242).

B. -

Tenir du costé de. "Se situer de ce côté" : ...entre eulx avoit conversé ung compaignon a demy fol, non pas qu'il eust perdue l'entiere cognoissance de raison, mais a la verité il tenoit plus du costé de dame Folie que de raison (C.N.N., c.1456-1467, 449).

C. -

"Être attenant" : ...la maison du curé tenoit a la sienne sans moyen. (C.N.N., c.1456-1467, 493).

D. -

Tenir sur qqn. "Faire le guet à son égard" : ...et de fait hier, n'a pas plus loing, je teins sur vous, et d'un lieu ou j'estoye, je vous y vy entrer ; vous savez bien si je dy vray. (C.N.N., c.1456-1467, 229).

III. -

Empl. pronom. Soi tenir

A. -

[Faisant réf. à la situation du suj.]

 

1.

Soi tenir + épithète

 

a)

"Être" : J'ay veu qu'on n'oyst pas Dieu tonner en une compaignie ou il fust ; et il se tient plus coy que ung feu couvert. (C.N.N., c.1456-1467, 199). Si s'en tenoit trop plus fiere, et se faisoit acheter. [Son ami est de plus en plus épris d'elle] (C.N.N., c.1456-1467, 414). ...si, que Dieu ne veille, il m'advient le contraire, tenez vous tout asseur, et je le vous promectz, je tiendray la regle et doctrine que m'avez donnée [Elle a promis de rester fidèle à son mari parti en voyage] (C.N.N., c.1456-1467, 566).

 

b)

"Rester" : [Montez en hault,] en ce petit grenier, et vous tenez tout coy, sans mouvoir (C.N.N., c.1456-1467, 243).

 

-

[Avec un compl. au lieu d'épithète] : Sans dormir ne se tint gueres l'orfevre (C.N.N., c.1456-1467, 66). ...il ne sonnoit pas ung mot, mais se tenoit comme une droicte statue ou ung idole entaillé (C.N.N., c.1456-1467, 199). Comme il fut proposé de ce chevalier amoureux et de ses compaignons, se partirent le lendemain, bien matin, de la bonne ville ou la court se tenoit, et, tout querans les lievres passerent temps jusques a basse nonne, sans boire ne sans menger. (C.N.N., c.1456-1467, 474).

 

-

P. ext. "Habiter, résider" : ...[il] s'advisa ung jour (...) d'aller esbater, voler et querir les lievres en la marche du païs ou sa dame se tenoit (C.N.N., c.1456-1467, 474).

 

2.

Soi tenir + compl. de lieu. "Rester, demeurer" : ...dist le compaignon a sa femme qu'il s'en alloit (...) et la chargea de bien se tenir a l'hostel et garder la maison (C.N.N., c.1456-1467, 24). Le jour qu'elle y vint, [le curé] se pourmenoit et se tenoit près du benoistier. (C.N.N., c.1456-1467, 301).

 

-

Soi tenir avec qqn. "Demeurer à son côté" : ...quand il cogneut que par beau ne par lait il ne la povoit oster de sa mauvaiseté, il la abandonna, et ne se tint plus avec elle, mais la fuyoit comme tempeste (C.N.N., c.1456-1467, 489).

B. -

[Faisant réf. à l'opinion du suj.]

 

1.

Soi tenir + épithète. "Se considérer comme" : ...il loa bien sa tresloyalle et bonne maistresse, disant que sur tous aultres il l'avoit belle et bonne, et qu'il s'en devoit tenir content. (C.N.N., c.1456-1467, 96). ...une tresbelle damoiselle (...) dont le bruit n'est pas si pou cogneu que le plus grand maistre de ce royaume ne se tenist treseureux d'en estre retenu serviteur (C.N.N., c.1456-1467, 182). O vierge Marie ! veillez mon cueur rejoyr, et que par ma cause il n'ayt nul mal, car je me tiendroye coulpable de sa mort ! (C.N.N., c.1456-1467, 367).

 

2.

Soi tenir pour + épithète : ...le bon bourgois (...) n'estoit point si mal logé en la dicte ville que ung bien grand maistre ne se tenist pour content et honoré d'avoir ung tel logis. (C.N.N., c.1456-1467, 23). ...pour les causes dessus dictes, elle se tient pour acquittée et desobligée de son serment et promesse qu'elle jadiz luy fist. (C.N.N., c.1456-1467, 179). ...nullement m'est possible (...) d'abandonner cest honneur et avancement, dont la plus femme de bien de ce royaume se tiendroit pour bien eureuse et honorée (C.N.N., c.1456-1467, 192).

C. -

[Faisant réf. au comportement du suj.]

 

1.

Soi tenir à qqc. "En rester à cela, conserver seulement cela" : Vous venez trop tard : chacun se tienne a ce qu'il a. (C.N.N., c.1456-1467, 342).

 

2.

Soi tenir de + inf. "Se retenir de, s'empêcher de" : ...quand il vit ce, il se ne peut plus tenir de demander la cause pour quoy on le servoit plus de pastez d'anguilles que les aultres (C.N.N., c.1456-1467, 82). ...monseigneur, (...) quand il les vit rire en ce point, ne se peut tenir de les contrefaire. (C.N.N., c.1456-1467, 188).

 

-

[Empl. après ne pouvoir ou un équivalent] : ...luy sembloit bien qui n'estoit pas seulement difficile de soy tenir de navier (...) mais aussi chose la plus impossible de ce monde. (C.N.N., c.1456-1467, 558).

 

-

Soi tenir que + subj. "Se retenir de, s'empêcher de" : Elle ne se peut gueres tenir qu'elle ne demandast a son mary qu'il avoit fait de leur filz. (C.N.N., c.1456-1467, 129). ...s'il en estoit rien a Gerard, il ne se pourroit tenir qu'il n'en demandast [D'un amant qui ne demande pas des nouvelles de son amie] (C.N.N., c.1456-1467, 174).

IV. -

Empl. impers.

A. -

[Simple notion de dépendance]

 

1.

Il tient à qqc. "Cela dépend de cette chose" : Pleust a Dieu, dist la vieille, qu'il ne tenist a aultre chose, vous seriez tost garie, ce me semble. [Réponse à une jeune fille atteinte de la peste qui pense que seul l'amour peut la sauver] (C.N.N., c.1456-1467, 348).

 

2.

Il ne tient pas à qqn que ... ne. "Ce n'est pas de lui que dépend la réalisation de la chose" : Faulse et desloyale que vous estes, il n'a pas tenu a vous que ung tel et moy ne nous sommes entretuez et deshonorez ! Et je tien, moy, que vous l'eussiez bien voulu, a ce que vous en avez monstré (C.N.N., c.1456-1467, 239). ...[il dit à son compagnon] qu'il ne tiendroit pas a luy qu'il ne soit curé de leur ville, dont il fut beaucop mercyé. (C.N.N., c.1456-1467, 286).

 

-

P. méton. : Son compaignon le chevalier de Haynau, qui savoit tout son cas, le servoit au mieulx qu'il povoit ; et ne tenoit pas a sa diligence que ses besoignes ne fussent bien bonnes et meilleures qu'elles ne furent. (C.N.N., c.1456-1467, 343).

 

Rem. Le tour a fréquemment valeur de litote : le suj. s'efforce d'obtenir la réalisation de la chose.

 

3.

Il ne tient qu'à qqn que ... ne. "C'est de lui seul que dépend la non réalisation de la chose" : ...a l'ostel de l'homme au gros membre se logeroit ; et ne tiendra que a luy qu'elle n'espreuve si le bon bruit qu'on luy donne est vray. (C.N.N., c.1456-1467, 407).

B. -

[Accent mis sur l'empêchement découlant de la dépendance]

 

1.

[Valeur subjective]

 

a)

Il tient à qqn. "Il y a difficulté/problème en ce qui le touche" : "Helas ! m'amye, et qu'avez vous ? Et n'estes vous pas bien vestue, bien logée, bien servye - Ce n'est pas la qu'il me tient, respondit elle. - Et qu'est ce donc ? dictes le moy, ce dit il, et si je y puis remede mettre, pensez que je le feray..." (C.N.N., c.1456-1467, 470).

 

b)

Il tient à qqc. "Il y a difficulté, problème s'appliquant à cette chose" : "...il ne les peut avoir de droit ; aussi ne les demande il pas a ceste intencion, mais il les a bien deservies en aultre maniere. - A cela ne tiendra pas, dit elle, je feray voluntiers finance de la toille..." [Bien que leur maître ait perdu son pari dont les chemises neuves constituaient l'enjeu, les servantes demandent à leur maîtresse de les lui donner] (C.N.N., c.1456-1467, 189).

 

2.

[Valeur objective] Il ne tient à qqn. "La non réalisation de la chose est de son seul fait" : ...de fait, si a elle ne tenoit, elle seroit cause d'enrichir et honorer tout son lignage. [Promesse d'un séducteur à une jeune fille] (C.N.N., c.1456-1467, 155). ...le bien amé serviteur, si a luy ne tenoit, tiendra la nuyt le lieu de celuy qui ou bahu fait maintenant sa penitence. (C.N.N., c.1456-1467, 185). "Or ça, Jehan, vous ne ferez pas pis que les aultres, tout est pardonné a ce pouvre larron de chemises, si a vous ne tient. - A moy ne tiendra pas, dit il. Je luy ay pieça pardonné, et luy en baille de rechef absolucion..." (C.N.N., c.1456-1467, 401). ...elle le commença a desirer et ficha tout son amour en luy, disant qu'il seroit celuy, si a luy ne tenoit, qui luy feroit garder la lecçon de son mary [Avant son départ le mari a conseillé à sa jeune femme, si elle devait prendre un amant, de le choisir honnête. Elle l'a trouvé] (C.N.N., c.1456-1467, 569).

 

Rem. Empl. fréq. dans le cas d'une hypothèse.
 

Cent Nouvelles Nouvelles Roger Dubuis

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