Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

Article complet 
FamilleStructureSans exempleCompletFormesExemplesTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     ENFANT     
FEW IV infans
ENFANT, subst. masc.
[ ]

A. -

[Enfant par l'âge]

 

1.

[Dans la filiation]

 

-

Nous sommes (tous) enfants d'Adam (et d'Eve) V. Adam

 

-

Tel père, tel enfant V. père

 

2.

[Éducation de l'enfant]

 

a)

[Bonne ou mauvaise éducation]

 

-

De sage mère sage enfant V. mère

 

-

[Sentence] Les enfants se combattent plus entre eux que les grands, parce qu'ils sont mal doctrinés : Le bouvel qui cornez n'ara Plus de hustin esmouvera Que le grant, fort, rude et robuste, Qui de grans cornez frape et hurte ; Plus tost se combatent enfans Par les ruez que les gens grans, Pour ce qu'il sont mal doctriné Et ont coer mal moriginé. (THOMAS MAILLET, Prov. Alain H., c.1375-1400, 66).

 

-

[Il n'est pas bon de gâter les enfants] Qui ses enfants trop aime, il aime son tourment : "Sire, dist la roÿne, c'est amé follement. Vo fille n'amoit point vo corps parfaictement, Quant pour ung estrange homme vous laissa ensement. Qui ses enffans trop aime, il aime son tourment." (Theseus Cologne I, 2 B., c.1361-1374, 203).

 

-

Qui veut enfants bien doctriner doit leur donner tôt le bon pli : Se tu veulx la verge ploiier Aisievlement ou redrechier, Quant jone elle est, a bon loisir Ploiier le puels a ton plaisir ; Quant vielle est, grose, secque et dure, Adont le ploiier pas n'endure (...). Qui voelt enfans bien doctriner, Tempre leur doibt bon ploy donner, Quant en rudesse trop sejournent, Adiés a rudesse retournent. (THOMAS MAILLET, Prov. Alain H., c.1375-1400, 88).

 

-

Un maître doit traiter par douceur un jeune enfant un peu rude V. maître

 

-

Une (même) doctrine ("enseignement") n'est pas recevable par deux enfants V. doctrine

 

b)

[Les châtiments]

 

-

À l'enfant on fait miséricorde quand on le châtie V. châtier

 

-

Chasti de pere doit être doucement reçu d'enfant et fermement retenu V. chasti

 

-

Enfant peu battu pleure trop longuement : [Le jeune Renaut se plaint au roi de ce que Bertoulet (neveu du roi) l'ait battu] Et quant le roy l'oÿ s'en ot grant maltalent, Il a dist a Regnaut : "Garson, alés vous ent ! Maudist soit Bertoulet de Dieu omnipotent Quant si pou vous en fist a ce commenchement, Car enfans peu batus pleure trop longuement !" (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 206).

 

-

Il vaudrait mieux cent fois battre ses enfants que de les maudire une seule fois : ...pour nulle faulte ne riote que ilz feissent, ilz ne maudissoient nullement leurs enffans, ainçois les blasmoient par autre manière ou les batoient ; car il vauldrait mieulx cent foiz batre ses enffans que les mauldire une seule foiz, tant y a grant peril. (LA TOUR LANDRY, Livre pour l'enseign. de ses filles, éd. A. de Montaiglon, 1371, 166).

 

-

La verge poignante et rude fait l'enfant vaquer à l'étude V. verge

 

-

Le mauvais enfant, pour débattre ou tancer, ne craint jusqu'au battre : Nagaires lui fu bien noté Qu'il faisoit tres grant foleté D'amer de Florentin l'amie ; Mais tant est Amours arramie En son coer que croire n'y vault, Dont assés mains vaurra et vault. Le malvais enfant, pour debatre Ou tencier, ne craint jusqu'au batre ; Et Tristifer plus qu'enfanchon Ne craint reprise ne tenchon (Pastor. B., c.1422-1425, 5).

 

Rem. DI STEF. 294a, enfant.

 

-

Mal endoctrine qui l'enfant defaillant ne châtie : Mal endoctrine qui l'enfant defaillant ne chastoye. Doncques, Dieu pour luy donner meilleur advis [au peuple juif] raysonnablement luy appresta la verge la quelle veist et doubtast toutes les foys que mal feroit et la loy relenquiroit. Qui fust celle verge ? Sans faulte, Pharaon et les aultres par les quelx batus furent et punis. (MARTIN LE FRANC, Estrif D., 1447-1448, 121).

 

c)

[Les gens se souviennent de ce qu'on leur a fait enfants] Enfants deviennent gens V. gens

 

3.

[L'enfant comme héritier]

 

-

[Héritage idéal] Grand avoir donne à son enfant qui lui donne science, marchandise ou métier : ...aprés, soient mis a aucun mestier par quoy leur vie puissent avoir - car grant avoir donne a son enfant qui lui donne science, marchandise ou metier -, et les garde de mignotises et de friandises sur toutes riens (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 207).

 

.

L'enfant vient à grand état et honneur quand du père la doctrine retient V. doctrine

 

-

[Sentence] Il faudrait battre celui qui donne tout à son enfant et par la suite vient lui demander de l'aide : [C'est le roi Lear qui parle] "Hellas ! j'entendi mal ma fille Cordeille ["Cordelia"], laquelle je chassay pour ceste cause hors de ma terre sans lui rien donner du mien et sy le me fault aler requerre, puisque les aultres qui tout ont eu me sont faillies. Hellas ! que j'ay mal entendu le proverbe qui dist en ceste maniere : - De ce baston ou d'un plus grant soit il feru au front devant, qui donne tout a son enffant que puis lui en va demandant. -" (WAVRIN, Chron. H., t.1, p.1471, 90).

 

-

Il n'est pas bon de prendre le bien de ses enfans pour le vouloir donner aux chiens : LA KANANEE ["La femme de Canaan"]. Haa, sire, mon cas est cruel ; Aidez moy pour Dieu et son nom. JHESUS. Femme, tu sces qu'il n'est pas bon Prendre le bien des enfans sciens [sic] Pour le vouloir donner aux chiens.[Jésus veut dire par là qu'il doit réserver ses miracles à ceux qui pratiquent la même loi] (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 166).

 

-

On fait souvent son hoir d'un enfant qui n'est pas le sien : Dont Margalie dist a lui, tout sans gabois : "Sire, trop le prisiés, dont che n'est mie drois, Que che soit li vos fielx, ne savés se ch'est voirs, Cat espoir que sa mere, qui tant a les crins bloys, Ot devant vous afaire a prinche ou a bourgois." "Dame", dist Bauduins, "de ce me tairai cois ; Qui en femme se fie, petit est ses savoirs ; On fait bien a le fie ["souvent"] d'estrainge enfans ses hoirs". (Bât. Bouillon C., c.1350, 144).

 

4.

[L'enfant mal-aimé, l'enfant victime d'abus, l'enfant considéré comme une charge]

 

-

Aise sont ceux qui n'ont pas d'enfants V. aise

 

-

D'un enfant haï il n'y a beau jeu ni beau ris. "Un enfant détesté ne connaît pas la joie" : ...Gaufrois ne l'aimme pas [Baudouin], li traitres falis : Et j'ay bien oï dire, .XIIJ. ans a acomplis, Que d'un enfant haï n'a biau jeu ne biau ris. (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 35).

 

Rem. Morawski 652 : Enfant haÿ ne joera ja bel ; Hassell 102, E33.

 

-

L'usage des beaux enfants est abusion : Et certes adonques la trompe de l'apostre crioit es oreilles des Romains quant le faux cruel empereour Noiron, plain de ardent luxure et tout forsené, si s'esforça de transformer .I. filz masle en nature de femme quant il li fist trenchier les .II. genitaires. De celi temps vint le proverbe que l'usage des biaus enfans est abusion (FOUL., Policrat. B., III, 1372, 240).

 

-

Qui enfant a ne lui faut autre étrille V. étrille

 

5.

[L'enfant comme une bénédiction] Heureux celui qui bons enfants a, c'est noble richesse : Depuis a ce portier sy biau don presenta Que de nuit et de jour a se mere parla, Voire tout ausy nue que mere le porta ; Ensement a se mere le vie respita. Eüreux est o monde cieux qui bons enfans a, Chou est noble riquesche. (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 65).

 

Rem. Hassell 197, P124.

B. -

[Enfant de sens, de raison...]

 

-

Maudite est la terre dont le prince est un enfant : Si n'est pas petit meschief quant le seigneur n'est sage et bien morigené. Dont l'Escripture fist mention quant elle dist : "Mal viengne à la terre dont le seigneur est enfant." Et si ne veult mie dire l'Escripture enfant tant seulement par eage mais aussi veult dire de sens. (BOUVET, Arbre bat. N., c.1386-1389, 252). Il est escript que mauldite soit la terre de laquelle le roy est un enfant (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 183). ...c'est comme le poulain sanz lien habandonné à toutes voyes, si n'est mie sanz grant peril, et plus es princes et es poissans que es moyens ne es mendres ; la cause si est pour l'assemblement de jeunece, oisiveté et poissance ensemble, qui est comme feu, souffre et esche en un vaissel, ce que ne peut mie estre es plus bas, lesquelz neccessité chace à aucun exercite, qui les tient occupez et tolt oyseuse. Si ne fu mie dit sanz cause : "Mauditte est la terre dont le prince est enfent" (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 27). O malheurée et très infortunée France (...), Dieu, ou pour ton propre chastoy, ou pour le péchié de ton peuple ou pour l'orgueil de tes enfans, t'a fait naistre aujourd'huy en ce souillement que il t'a commise en gouverne d'un enfant en la garde d'un tuteur pervers (...). Sy te recorde, misérable dame, recorde cestui proverbe qui dit : "Malheurée la terre dont le roy est enfant !" (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 37).

 

Rem. Morawski 589 : Dolente la terre que enfe governe ; Hassell 237, T35.

 

-

Nature fait vieilles gens d'enfants et enfants vieilles gens deviennent V. nature

 

-

Tel est vieux qui n'est qu'un enfant ; Tel est enfant qui a cent ans : Tel est vieil qui n'est que .I. enfant ; Tel est enfant qui a cent ans (ALECIS, Faintes monde P.P., c.1460, 119).

C. -

[L'enfant reste un mystère] Qui voit enfant ne voit néant. "En voyant un enfant on ne peut pas présumer de ce qu'il deviendra" : [Dans la moralité de la fable De l'Enfant qui conchia le Lerron] Tieus porte de enfant le visaige Qui est malicieus et saige. Qui voit enfant ne voit neant ; Ce qui pou vaut puis est seant. (Ysopet I-Avionnet B., c.1339-1348, 373). ...mais pluseurs sont deceupz pource qu'ilz les prennent en l'aage de .XII. ans ou entour : et queles elles seront lors nul ne le puet savoir, car comme dit le proverbe commun «qui voit enfant ne voit neant». (LEGRAND, Bonnes meurs B., 1410, 371).

 

-

[Fou et enfance]

 

-

De fou et d'enfant se fait bon garder V. fou

 

-

Les fous, les gens ivres et les enfants ont de coutume de vrai dire V. fou

 

-

La vérité sort de la bouche des enfants, des fous et des gens ivres V. vérité

 

Rem. DI STEF. 294a, enfant. Cf. aussi Morawski 59 : A l'enfant le pain ou poing, le pet ou cul, 538 : De petit enfant petit dueil, 651 : Enfant ame moult qui beau l'appelle, 653 : Enfes envoisiez longuement n'est liez, 883 : Il fait mal nourrir autruy enfant, car il s'en va quant il est grant, 1392 : Ne viel n'enfent, femme ne fol ne servir ja, je le te lo.
 

Lexique de proverbes Pierre Cromer


Fermer la fenêtre