Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

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     COEUR     
FEW II-2 cor
COEUR, subst. masc.
[ ]

A. -

[Le coeur comme siège de l'affectivité]

 

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À coeur joyeux rien ne peut nuire : L'HOMME MONDAIN. Au regard de moy, je ne pense Frs a vestir robe nouvelle,Me trouver en feste ou en dance, Puis servir quelque damoiselle. Ceux qui ont la puce en l'oreille N'ont soing que de jouer et rire, Car, vente, pleuve, gresle ou gelle, A cueur joyeux riens ne peut nuyre. (ALECIS, Déb. omme mond. P.P., c.1500, 142).

 

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Coeur de femme est fléchant : Car il dist en son cuer et tout pour voir l'affie : Cuer de femme est flecquans, on l'a dit mainte fie, En poi d'eure est cangie [T eu. se change] (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 163).

 

Rem. Morawski 435 : Cueur de femme est tost mué ; Hassell 110, F44.

 

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De coeur dolent joie ne peut issir V. joie

 

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En coeur de femme n'a rien de ferme V. femme

 

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Coeur lié ("joyeux") ne pense que tambours ("bruit de tambours, bruit de fête") : A celle heure que je vous compte, Le temps joyeusement passoye ; Je ne tenoye de riens compte, A nulle chose ne pensoye Ou pend fillé ne ou pend soye Qu'on fait aux champs, qu'on fait aux bourgs : Cuer lyé ne songe que tabours. (TAILLEV., Passe temps D., c.1440, 135).

 

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De la bouche sort ce que le coeur sent V. bouche

 

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Face de prince éjouit le coeur. V. face

 

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Femme montre plus de courroux au dehors qu'elle ne fait au coeur V. courroux

 

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Folie fait asseoir son coeur là où il ne peut profiter V. folie

 

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Hautesse en coeur frarin est richesse perdue V. hautesse

 

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Folle est la femme qui a homme montre son coeur avant qu'elle ne l'ait éprouvé V. femme

 

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Il n'est angoisse qu'en coeur convoiteux V. angoisse

 

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Ire empêche le coeur de vérité savoir/dire V. ire

 

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Ja ne sera vrai amoureux un coeur, s'il n'est un peu jaloux V. amoureux

 

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Là où est le coeur, là est l'oeil : Vray est que souvent cilz disciples sont negligens ou refusent de nectoyer ceste escole ; Et ayment mieulz gerir [l. gesir (?)] et pourrir en leur ordure qui leur souffreroit ; et raison avec entendement en sont souvent cause, pour paresse ou fole compassion, comme on seult dire : dame piteuse fait fille tigreuse. Ilz sont compaignons ; ou le cuer est oyiel est. (GERS., 1406, Oeuvres complètes G., 1402, 1091).

 

Rem. Morawski 1020 : La ou est l'amour si est l'oeil ; Hassell 179, O11.

 

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L'amour qui n'est pas de .II. coeurs aünée est chèrement achetée de l'une partie V. amour1

 

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Langue mal sage épand les trésors du coeur V. langue

 

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Le coeur dit bien ce qu'aventure amène : Quant la pucelle vit, qui fut doulce et humaine, La beaulté de son corps, le coeur de lui sourmaine, Tantost lui fut advis, quant il la vt prochaine, Qu'encor l'espouseroit en esglise haultaine. Et on dot bien souvent une raison certaine : Que le coeur dit moult bien ce qu'aventure amaine. (Theseus Cologne I, 2 B., c.1361-1374, 184).

 

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Le friand goût réconforte le coeur V. goût

 

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Nul ne peut mieux aimer que coeur de mère V. mère

 

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Qui son coeur veut garder d'ire ne doit pas croire tout ce qu'il entend dire V. ire

 

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Rien ne peut assuffire le coeur ni la panse du glout ou de l'avare V. assuffire

 

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Si on blesse le corps du fils, le coeur de la mère le sent V. mère

 

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Tel chante qui au coeur soupire V. chante

 

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(Telle et) tel dance(nt) à qui au coeur ne tient V. danser

 

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Tel crie haut le matin, qui le soir a le coeur triste et dolent V. crier

B. -

[Le coeur comme siège des qualités morales ou de défauts]

 

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À coeur vaillant rien d'impossible : "Vraiement, dist Laomedon, je ne croy point qu'il soit possyble que le monstre puissiez vaincre. Qui est celui qui s'exposera a sy grant follie ? - A ceur vaillant rien impossible, dist Herculés, se je triumphe sus le monstre, et ta fille saulve, quel loyer en auray je ?" (LEFÈVRE (R.), Hist. Troyes A., c.1464, 296). ...qui s'accorde a paix et a concorde Misericorde obtient de Dieu paisible : A coeur vaillant, il n'est riens impossible. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 76). En nostre marche, ou guerre se desmarche, Prospere et marche Amour douce et paisible : A coeur vaillant il n'est riens impossible. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 355). [Ex. passim]

 

Rem. Hassell 78, C231 ; DI STEF. 181a, coeur.

 

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Bon vouloir procède du coeur V. vouloir

 

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Chose celée en coeur n'est pas profitable V. celer

 

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C'est folle démesurance d'avoir grand coeur en pauvre panse (si l'on n'a pas même de quoi se nourrir) : Tropt est folx qui met s'esperance De passer oultre sa puissance Pour acomplir son grant coraige. C'est tropt fole demesurance D'avoir grant cuer en povre pance. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 97).

 

Rem. Morawski, 2202 : Riche cuer ne vaut rens en pouvre pance.

 

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Coeur honnête ne peut mentir : Je croi bien que c'est chose voire Qu'il vous fist mal au departir, Car cuer loyal ne peut mentir Ou vraie amour est et habite, Mais fait son devoir et s'acquitte Envers ce qu'il aime touz jours, Soit de joie avoir, ou dolours Pour li porter. (Mir. ste Bauth., c.1376, 113). Les dames par leur grant doulceur A ce faire m'ont meu le cueur. Honneste cueur ne peult mentir. (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 132).

 

Rem. Morawski 437 : Cuers ne puet mentir; Hassell 78, C233 ; DI STEF. 181b, coeur.

 

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Coeur libéral partout ses biens espart : Qui luy mesfaict, de bon coeur luy pardonne, Et de ses biens a cascun sa part donne ; Ses proditeurs en ont rechut leur part : Coeur liberal partout ses biens espart. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 187).

 

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Cruel coeur n'a point d'amitié : Et, pour ce, ne porte rancune Contre aulcun qui devant toy viengne. Aultre raison ne t'en rends qu'une Et a jamais bien t'en souviengne, C'est que pour chose qui adviengne Ne doibs nul juger sans pitié. Cruel cueur n'a point d'amytié. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 62).

 

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Coeur qui est parfait vainc tout : Or me poroientli pluiseur Raisonnablement demander Comment on poroit toute erreur Fuïr et et vertus empetrer. Et j'en responderoie au cler : Par estre liés, jolis et ges, Et avoir grasce de donner, Car tout vaint coers qui est parfés. (FROISS., Ball. B., c.1362-1377, 23).

 

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De l'abondance du coeur parle la bouche (volontiers). "On s'empêche difficilement de parler des choses dont le coeur est plein" : [P. réf. à Matth. XII, 34] ...de l'abondance du cuer la bouche parle (VIGNAY, Théod. Paléol. K., c.1333-1350, 41). Et pour ce dit aussi un sage assez à cest propos : "Se tu veuls, dit il, savoir quel cuer aucune personne a, considere bien et avise de quel matiere il parle voulentiers et plus souvent", aussi que s'il voulsist dire : tu le saras par ce car de l'habondance du cuer, ce dit il, parle la bouche voulentiers. (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 677). ...de habundance de cuer la bouche parle. Et se puet ycy prendre parler pour toute maniere de chanter (GERS., Canticordum G., c.1425-1430, 127).

 

Rem. Trad. du lat. (Ex) abundantia cordis os loquitur ; cf. TLF I, 145b, s.v. abondance, qui atteste la loc. prov. depuis FUR. 1690. Hassell 57, B151.

 

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Dieu amollie le coeur orgueilleux V. Dieu

 

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Dieu seul connaîtt l'intention des coeurs V. Dieu

 

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En petit coeur loge souvent très grande convoitise V. convoitise

 

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Es nobles coeurs sont les riches vertus : Glorieux aigle, imperant patriarche, Sceptre romain, espee triumphant, Qui de ta haulte exellente monarche As fait descendre en nostre petite arche Ton sainct puillon et bienheuré enfant, Fort que ung lyon, puissant que ung elephant, Preux que ung Hector, hardis comme ung Artus : Es nobles coeurs sont les riches vertus. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 225).

 

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Ire trouble le coeur des gens V. ire

 

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Joie triste coeur travaille V. joie

 

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Juge doit juger droit, ou il n'a pas le coeur vrai V. juge

 

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La bouche prononce les paroles, mais Dieu regarde le coeur V. bouche

 

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La valeur de l'homme gît en son coeur V. valeur

 

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Le coeur dit souvent le bien ou le mal que la créature a : ...en l'onneur de Mahon l'aumosne demanda [Robastre], La belle de sa bouse ung florin lui getta, Quant Robastre le tint doulcement l'apella : "J'ay", dist il, "grant mestier de vous, n'en mentiary ja, De parler en privé de ce qui touché m'a.." Quant Frigonde l'ouÿ de sa main l'asigna, Car le cuer lui dit bien et segnefia Qu'il veult parler d'Ernault que pucelle ama ; Le cuer dit bien souvent, ouÿ avez pieça, ou le bien Ou le mal que la creature a. (Hern. Beaul. D.B., c.1350-1400, 32).

 

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Le coeur fait l'oeuvre : Hé ! Diex, que li .III. frère furent bon vavassour ! Jone damoisel furent, mais il ont grant valour ; Et s'avoient grant coer de conquerre l'estour. Et li bons coerz fait l'oevre, non mie le lonc jour. (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 103). Il n'est si bon glaive que le corage. C'est à entendre que toute force d'armes est riens se grant courage ne la maine. Pour ce fu dit ou proverbe rural : Le cuer fait l'euvre. (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 108). Mais on dist bien souvent, c'es verité prouvee, Que bon ouvrier ne puet venir tart a journee, Car li bons cuers fait l'oevre. (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 175). Or avant, Bordelais, bonne gent redoutee ! Gerart s'y soit saisy et se gent decopee ! Ne faut point que faintise soit en vous demoree, Li bons cuers fait l'ouvrage ! (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 650). Par son merite aquist la thoison [Le comte Englebert de Nassau], Myeux que Jazon quy fall a Medee ; Grand chambellans fut aulcune saison De la maison d'Austrice et qui par son Hault bruit et son fut moult recommandee, Sy bien gardee et sy bien regardee Qu'entrelardee est de gloire a tousjours : Le cueur faict l'euvre et non pas les longz jours. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 395).

 

Rem. Morawski 1069 : Li cuers fet l'euvre ; Hassell 79, C236 ; DI STEF. 181a, coeur.

 

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Le coeur noble croit toudis bon conseil V. conseil

 

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Loin des yeux, loin du coeur V. oeil

 

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Orgueilleux coeur soi-même se déçoit : Ce Narcisus aprés, considerant Que par dame avoit esté prié, S'en orguillit et tout en se mirant, Aprés qu'il s'en eust en soy glorifié, Par le vouloir des dieux fut tost mué En une fleur qui és fontaines croist. Orgueilleux cueur soy mesme se deçoipt. (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 115).

 

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Quant un coeur s'est fourvoyé il n'est de légier ravoyé V. fourvoyer

 

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Vilain coeur ne plaint pas deuil d'autrui : Rien ne demeure aux environs Que les saquemens tiennent sainc. Villain cueur aultruy dueil ne plaint. (GAGUIN, Passe temps oisiv. T., 1489, 409).

 

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Vraie espérance tient le coeur en ferme ordonnance V. espérance

 

Rem. Cf. aussi Morawski 511 : De large cuer adés largesse et de dur cuer toujours destresce, 1479 : Len n'aura ja de cuer correcié clere face, 2014 : Qui n'aura cueur si en prenne, 2306 : Tanz cuers, tantez volentez.
 

Lexique de proverbes Pierre Cromer


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