Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

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     SERVIR     
FEW XI servire
SERVIR, verbe
[]

A. -

[Idée de soumission et de dépendance (lat. servus)]

 

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Celui qui a appris à mourir n'a pas appris à servir V. apprendre

 

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Celui servira pardurablement qui ne sait user de petite chose : C'est chose communement sceue et proverbe general que "celui servira pardurablement qui ne scet user de petite chose." (FOUL., Policrat. B., V, 1372, 362).

 

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Nul n'est en paix qui sert Amours V. paix

 

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On ne doit jamais servir son maître oultre son gré V. maître

 

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Par servir devient on maître V. maître

 

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Qui sert à commun nul ne sert V. commun

 

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Tel commande qui sert et tel sert qui maîtrie : [Vertu répond à Fortune qui lui propose comme thème : Serf et esclave] Tel commande qui sert et tel sert qui maistrie. Cil soeul est serf qui a le courage abastu, qui n'a puissance sur vices, qui ne scet user de loys et termes de rayson. Mengier le pain d'aultruy ne fait pas servitude. Ne pour estre lié en galee ou griefment emprisonné, homme ne poeut estre esclave reputé. (MARTIN LE FRANC, Estrif D., 1447-1448, 269).

B. -

[Idée d'obligation dont on s'acquitte (par soumission, par dépendance...)]

 

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[Service et salaire/récompense/profit]

 

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Bon fait servir un maître dont on peut amender

 

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Celui qui sert et ne parsert son loyer perd "Celui qui sert, mais qui ne va pas jusqu'au bout, il ne doit rien tirer de son service" : Car bien et deshonneur ansamble Ne puelent estre, ce me samble. Aussi dit-on que cils qui sert, S'il ne parsert, son louier pert. (MACH., P. Alex., p.1369, 107). Et pour ce dit le proverbe commun que "cely qui sert et ne parsert, son loier pert", maiz cely qui persevere et jusques en la fin constanment continue, cely est digne de actaindre la victoire et la fin qu'il desire, et sy est digne d'avoir le loier et le honneur qui s'en doit enssuir, car en la fin se moustre la proesce. (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 731). Alors damp Abbés si tres humblement qu'il peust l'en remercia, puis se pensa d'un commun proverbe qui dit: "Cellui qui sert et ne parsert son loyer pert," lors a Madame donna l'absolucion et par charité la baisa tres doulcement et print congié, et au passer qu'il fait par la chambre tout saigement dist aux dames et damoiselles : "Jusques a ce qu'elle appelle, nul n'entre leans." (LA SALE, J.S., 1456, 256). Moy, considerant le commun proverbe qui se dit que qui sert et ne parsert, son loyer pert, leur ottroiay leur requeste liberalement. (Ev. Quen., I, c.1466-1474, 111).

 

Rem. Morawski 2138 : Qui sert et ne parsert son loier pert ; Hassell 229, S82 ; DI STEF. 499c, servir.

 

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De servir félon, ne peut nul amender : Chieus qui seurent mestier, s'en alèrent labourer. Ensi par leur segneur eurent ces fais à porter. ¨pir che dist uns proverbes, que j'ai oï conter : Que qui siert à bon mestre, il doit bien proufiter ; Mais de siervir félon, ne puet nus amender. (Geste ducs Bourg. K., c.1410-1419, 464).

 

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De servir les bons doit on être amendé V. amender

 

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[Sentence] Donne si tu veux estre riche et sers si tu veux estre sire V. donner

 

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Il n'est servir que roi souverain V. roi

 

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Jamais bien ne servira celui qui n'aura bon loyer : "Gentilz rois, dist Bertran, par le mien essiant ! Ne voy cy pas argent pour faire un fait vaillant ; De mille et .V. cens hommes que vous m'alés paiant Combatre ne peut on .XXM. Englois vaillant. Alés rompre ces coffres ou il a argent tant : Escars princes n'yra ja honneur conquerant." "Sire rois, dist Bertran, je vous dis sans cuidier, Ja bien ne servira qui n'ara bon louier." (CUVELIER, Chans. Guescl. F., c.1380-1385, 373).

 

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Il fait bon servir un homme riche, on en amende : Ensy fu cevaliers Richars coy que nuz die Et en l'onneur de lui .IIC. a une fie Que menez ot o lui d'Escoche le garnie. Pour chou fait bon servir le rice homme a le fie, Souvent on en amende. (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 762).

 

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Par bien servir acquiert-on bénéfice : Quel los, quel bruit, quel honneur, quel renom (...) Appartient il a ton precieux nom, Cesar Auguste ! Or ne sçay je sinon Toy saluer comme de Dieu l'image : Car pere et filz sont de sy cher plumage Que bien y duit ung petit sacrifice : Par bien servir acquiert on benefice. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 225).

 

Rem. Morawski 631 : En biau servir covient eür avoir ; Hassell 49, B43.

 

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Qui sert à commun nul ne sert V. commun

 

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Qui bon maître sert, il a bonne saudée V. maître

 

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Qui bien sert dessert loyer et honneur : Pour bien apprendre est on savant Et par servir vient on avant : Servir, ce dit l'Escripture, Est regner qui met sa cure En bien servir, par droit dessert Loyer et honneur qui bien sert (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 10). Vostre pere servit une partie, Puis vous après, sans faire departie. Tres humblement si vous requiert pourtant Qu'il vous plaise, de vostre courtoisie, Luy aÿder doulcement vous en prie, Car qui bien sert bon loyer en attend. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 176).

 

Rem. Hassell 229, S80.

 

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Qui bon seigneur sert en vaut mieux à la fie ("parfois") : "...quant il fut concquis a l'espee fourbie Oncques de raenchon n'en fut parolle ouÿe." "Par foy,se dit le roy, dont ne l'ara il mie, Et pour tant qu'il cuida destruire ma maisnie, Mal acointa Galadre, se y tenra compaignie. Car qui bon seigneur sert mieulz en vault a le fie." (Cip. Vignevaux W., p.1400, 34).

 

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Celui qui sert son maître sans faire vilainie on le doit mieux aimer qu'amant ne fait amie V. maître

 

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Qui sert bon maître il attend bon loyer V. loyer

 

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Qui sert la guerre il en reçoit tels gages V. guerre

 

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Donne si tu veux estre riche et sers si tu veux estre sire V. donner

 

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Servir Dieu fait longuement régner V. Dieu

 

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Tel y sert qui n'y aura pas de grands biens : Tel y sert et fait son devoir Qui n'y aira pas de grans biens. (ALECIS, Faintes monde P.P., c.1460, 87).

 

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Toujours est bien servi qui a de quoi payer : ...et y furent faittes joustez et tournois en grans pompes et deduis. Et quide que, qui tous les estas d'icelle feste vous volroit raconter, il y fauroit mettre treslonghement ; mais nous nous en passerons en brief, car toudis est bien servis qui a de quoy paiier (WAUQUELIN, Manequine C.T., a.1448, 160).

 

Rem. Cf. aussi Morawski 1524 : Len ne puet servir ensamble Dieu et lou dyable, 1544 : Len sert pire de soy pour mieulx avoir.

 

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On doit bien servir et mal croire : Mais pluseurs sont, c'est chose voire, Qu'on doit bien servir et mau croire : Servir, pour faire son devoir, Croire, qu'il vuelent decevoir. (MACH., F. am., c.1361, 149).

 

Rem. Hassell 229, S87.

 

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[Sentence évangélique] On ne peut servir à deux maîtres/seigneurs : ...Car, qui fais de siecle procure, A peine peut il desservir Benefice et Dieu bien servir, Auquel service sont voüez [les prélats d'Église] ; Et dire a l'Escripture ouez Que "l'en ne peut bien a .II. maistres Servir, ne tenir divers estres." (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 66). On ne puet servir a deux maistres. (MIÉLOT, Prov. U., 1456, 197). ...quant au regart d'avoir deux cordes [deux cordes en son arc], c'est a entendre deux dames, il n'est point possible que celluy qui ce fait soit constant en fait n'en pensee ; car nulz ne poeut a deux maistres servir. Par ainsy, l'une corrompt l'autre. (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 159). Tu ne peux, comme dit Nostre Rédempteur Jésus, servir bien à gré deux seigneurs de contraires natures, que tu ne haies l'un, et l'autre tu aimeras ; ou que l'un tu ne soustiennes, et l'autre tu contempneras. (CHASTELL., Vérité mal prise K., c.1460, 353). A deux maistres ne peulx servir Se tous ne sont d'une substance, Vertus et vices ensuyvir Tu ne pourroyes sans doubtance Que a l'ung ne faictes grevance ; Le mal au bien si est contraire : Des deux choisir as la puissance, Vers le meilleur te vueilles retraire ! (GARIN, Compl., 1460, 75).

 

Rem. Morawski 1523 : On ne puet servir a deux maistres ; Hassell 156, M34.

 

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Servir Dieu est (vivre et) régner : Princes, qui veult faire son sauvement Rende s'a Dieu, saint Poul ce nous descript ; Le monde laist ; car, a mon jugement, Servir a Dieu est regner, si c'om dit. (DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 176). LE RELIGIEUX. Le conseil en est desja prins, Et ayme mieulx cy souffrir peine Que d'estre perdu et surprins Es deliz de vie mondaine. L'on n'a pas joye souveraine Pour estre aise ne sans pener ; Il n'est tel que vie certaine : Servir Dieu est vivre et regner. (ALECIS, Déb. omme mond. P.P., c.1500, 139).

 

Rem. Hassell 229, S89.

 

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Servir à femme, à enfans et au peuple est grand péril : Servir a femme et a enfans Et a peuple est moult grant peril. Seneque en mourut avant temps, Boece en mourut en exil ; Et quant d'exemples y a mil, Servir a femme et a enfans Et a peuple est moult grant peril A tout homme, tant soit soutil, Car en ces trois a pou de sens. (DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 11).

 

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[Dans une tournure impers.] Il ne sert à rien de gratter qqn au talon quand la tête lui démange V. gratter

 

Rem. Cf. aussi Morawski 1831 : Ki aver sert son loier pert1987, : Qui mauvés sert son loier pert.
 

Lexique de proverbes Pierre Cromer


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