Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

http://www.atilf.fr/dmf/definition/peine 
     PEINE     
FEW IX poena
PEINE, subst. fém.
 

A. -

[Punition ; pénitence]

 

1.

[Punition]

 

-

La peine selon le méfait : Je scay les lais des emperieres Et les drois de toutes manieres, Divin, naturel et canon, Qui tous sont en conclusion Que l'en doit la paine donner Selon le meffait (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 134). Selon que les offenses sont, La peine au delict correspond. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 210). La paine selon le meffait. Et lors ces folz, ces grans vanteux, Sont tous confus et marmiteux Quant ilz considerent leur fait. (ALECIS, Blas. faulses am. P.P., a.1486, 226).

 

Rem. Hassell 196, P108.

 

-

Peine suit après le délit : La paix de Sodome fut telle, Qui ot tant de biens preparés Que par desirs desordonnés Avec Gomorre feu gloutist. Payne suyt apres le delit. (GAGUIN, Passe temps oisiv. T., 1489, 389).

 

2.

[Pénitence] Peine donnee, patiemment portee allege le peché : Aussi dist Gautier que "paine donnee, pacianment portee, allege le pechié et la constrainte l'amendrist. Toutes choses descendent de la souveraine haultesse des choses". Pour che de l'enfant est dit es Proverbes ou .XXIIIe. chapitre : "Tu le bateras de la verge et delivreras son ame d'Enfer". (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 205).

B. -

[Souffrance, mal qu'on se donne, effort, difficulté]

 

-

À battre la mauvaise gerbe se perd la peine du vilain V. gerbe

 

-

À peine peut celui gagner qui a deux paires de pensées en son coeur V. gagner

 

-

À grand peine sont gens de cour loyaux : Prince, bon fait querir son sauvement Et corrigier, comme anciennement, Les meurs mauvais de celles et de ceaulx Qui gouvernent les cours communement, Qu'a grant paine sont gent de court loyaulx. (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 401).

 

-

À peine meurt qui ne l'a appris : Du premier est dit en proverbes : "A paine meurt qui ne l'a aprins", c'est a dire qui ne scet soustenir les menaces de mort qui sont tribulations. De che dist Seneque : "O miserable chose est non scavoir morir !" (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 350).

 

-

À toute peine est dû salaire : A toute paine est dëu salaire. (MIÉLOT, Prov. U., 1456, 192). Passés, curé, sans plus songer ; Je sens qu'estez abandonné ; Le vif, le mort, soliés menger Mais vous serés aux vers donné. Vous fustez jadis ordonné Miroer d'autruy et exemplaire ; De vos fais serés guerdonné. A toute painne est deu salaire. (Danse macabre C., 1485, 37).

 

Rem. Hassell 196, P106 ; DI STEF. 663b, peine.

 

-

Bonne est la peine où l'on apprend : Si fus aucques hors de l'esmay Que j'avoie, mais plus amay Ce livre qu'oncques je n'oz fait, Et mieux consideray l'effait, Combien qu'autrefois l'eusse leu ; Mais je n'avoie si esleu Le reconfort que l'en y prent, Bonne est la paine ou l'en aprent. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 13).

 

Rem. Hassell 196, P107.

 

-

[Sentence] Ce que tu portes en grande peine, accoutume toi de bien le porter à ton aise : De che dist Ovide ou second livre de l'Art : "Che que tu portes en grant paine, acoustume toy de le bien porter a ton aise". (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 171). A che que tu portes mauvaissement ou a grant paine, acoustume toy et tu le porteras bien. A che s'acorde che que dist saint Bernard a Eugene pape : "Le joug ou le fardeau de Nostre Seigneur au commenchement samble intollerable ou non portable. En aprés, se tu l'acoustumes, ne samblera pas si grief, aprés te samblera legier, et finablement te sera delitable". (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 182).

 

-

Celui qui veut venir au bout d'une oeuvre doit y mettre peine : Souvent dient entr'iaux a privee mainnie Que par ces .II. poroit le pais estre esploitie, S'il estoit par qui fust faite ne pourcachie, Car qui tent a avoir aucunne oevre esploitie Y li faut mettre painne (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 689).

 

-

C'est grande peine que de vivre en ce monde, c'est encore plus grande peine de mourir : C'est grant paine que de vivre en ce monde, Encore esse plus paine de mourir ; Si convient il, en vivant, mal souffrir, Et au derrain, de mort passer la bonde. S'aucune foiz joye ou plaisir abonde, On ne les peut longuement retenir. (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 378).

 

-

[Dans la moralité de la fable Du viel Buef et du juesne Toriau] Mieux vaut longuement peine traire que jeune mourir sans rien faire : Mieux vaut longuement painne traire Que juesne morir sans rien faire. Le labour fait noble coraige, Si com dit Seneque le saige. Se tu d'oisiveté n'as cure, Tu n'avras accès de luxure. Cils qui delicieusement Vivront, morront isnelement. (Ysopet III B., c.1400-1500, 377).

 

-

Grand bien ne vient jamais sans peine V. bien

 

-

Il n'est bien que l'on prise si on l'a à peu de peine V. bien

 

-

La mort a moins de peine que l'attente de la mort V. mort1

 

-

Mal avisé a souvent peine V. aviser

 

-

Monter convient par peine V. monter

 

-

Nul ne doit avoir honneur sans peine V. honneur

 

-

Nul ne sait rien s'il n'y met peine V. savoir

 

-

Qui à bien faire a peine plus fait à louer V. bien

 

-

Qui met peine à tricheur décevoir, ne doit pas en être blâmé V. tricheur

 

-

[Sentence] Qui s'accoutume de folesse, d'oiseuse... à dur lui vient d'endurer peine, quand il le faudra : Ulixez les guerrez antoit, Car able et soubtil il estoit, Et Egistus les damoisellez Frequentoit et les chambrez bellez. Qu s'acoustume de folesse, Gloutonnie, wiseuse et presse, A grant contraire et dur li vient Quant paine endurer li couvient. (THOMAS MAILLET, Prov. Alain H., c.1375-1400, 78).

 

Rem. Cf. aussi Morawski 404 : Cui peinne croit, peinne endure, 505 : De grant peine se delivre qui prodome ne veut estre, 822 : Grant peinne emprent qui putain prent en garde.
 

Lexique de proverbes Pierre Cromer


© ATILF - CNRS & Université de Lorraine 2015
La présente ressource est produite et diffusée par l’ATILF à des fins de consultation pour l’enseignement et la recherche, à l’exclusion de toute exploitation commerciale. La citation d’un extrait de la ressource au sein d’une publication scientifique est autorisée sous condition de porter la mention suivante :
DMF : Dictionnaire du Moyen Français (DMF 2015), http://www.atilf.fr/dmf, ATILF - CNRS & Université de Lorraine.