Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

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     FAIRE     
FEW III facere
FAIRE, verbe
[ ]

A. -

Empl. abs.

 

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[Faire et pouvoir]

 

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On ne peut faire qu'en faisant : Des droitz nouveaulx avez ouys Sept tiltres : c'estoit mon entente D'en lire encore cinq ou six (...). Mais, brief, pour ceste annee presente C'est force vous tenir a tant : On ne peult faire que en faisant. (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 242).

 

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(Fou est) qui ne fait quant il peut, il ne fait quant il veut : Fol est qui ne fait quant il puet Quar il ne fait pas quant il veut. (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. S., c.1330-1331, 219). Grant peril gist en trop attendre.On dit : qui ne fait quant il puet, Il ne fait mie quant il veult. Cest dit puis je bien tesmoingnier. Pecheeurs doivent ressoignier (LE FÈVRE, Lament. Math. V.H., c.1380, 229). ...n'atendons mie de jour en jour, de demain a demain a nous convertir a Dieu quant au jour d'uy nous le pouvons faire ; car on seult dire communement : qui ne fait quant il peut, il ne fait mye quant il veult (GERS., Cendres G., c.1402, 573). ...ces deux chevaliers que vous veez en present, Danclin et Tholomer, qui sont les meilleurs de mon hostel (...) sont tous liez et joyeulx et desirans de chevauchier sur Babilone et (...) le sejourner leur ennoye. Et vous sçavez qui ne fait quant il peult, il ne fait quant il veult. Or voy ou point d'ore que en ces parties ne par tout le monde je n'ay contraire a ma majesté fors que seule Babylone, sy me porroit estre tourné a grant recreandise se ne l'aloie submectre a moy. (Percef. I, R., t.1, c.1450 [c.1340], 538).

 

Rem. Morawski 2026 : Qui ne fait quant il puet ne fait quant il veult ; Hassell 108, F13 ; DI STEF. 325c, faire.

 

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[Faire et dire ou taire]

 

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Il faut faire plus et dire moins pour être plus crému V. cremir

 

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Le dire et le faire sont deux V. dire

 

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Vrai ami plus fait et moins dit V. ami

 

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Moult est avenant faire et taire (en amour) : Aus femmes serez bon voisin Secret, maiz soiez enterin De mettre vostre fait ou tour Par quoy la grant joie d'amour Vient a ceulx qu'Amours endruïr Veult de ses biens, et resjoïr Vous fera, se le povez traire Au point ; et pour l'acconsieuir, Moult est avenant faire et taire. (Cent ball. R., c.1388-1396, 126).

 

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S'il est qui fait, il est qui dit : S'il est qui fait, il est qui dist, Nouveleté gaires ne gist Ne ne sejourne ne repose : Elle est telle que tout s'ose Hardiement mettre ou embatre Pour gens courroucier ou esbatre, Car elle a tant de signourie. (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 46). Vous savés que on dist communement : "S'il est qui fait, il est qui dist". Piètres dou Bos, qui ne se sentoit mie asseur de sa vie, avoit envoiiet ses espies pour oïr et raporter des nouvelles. Chil qui i furent envoiiet, raporterent che que on dissoit parmi la ville, et que ces paroles venoient pour certain de Ghisebrest Grute et de Simon Bète (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 147).

 

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[Le faire, reflet de l'être] Tel comme on est, se doit l'on faire. "Il faut agir selon ce qu'on est, selon sa profession" : [Dans la moralité de la fable Du Cheval qui mata le Lion (Le cheval hauce le pié pour que le lion, qui s'est fait passer pour médecin, lui retire l'épine qu'il a au pied ; mettant en doute la sincérité du lion, il lui décoche une bonne ruade)] Tel com on est, se doit l'on faire ; Mès maintes gens font le contraire. Qui vuelt de sa profession Faire fainte devision, Drois est que douleur et meschief Li reviegne dessus son chief. Le saige homme, par son savoir, Tricherie ne puet avoir : Car cils ne fait pas tricherie Qui à bareter s'estudie Pour le bareteur dechevoir. (Ysopet I-Avionnet B., c.1339-1348,).

 

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Au faire gît toute la manière : Au conseil a chascun s'oppinion, Tuit dient bien, mais qui vient au service D'executer, nul n'y a vision (...) ; Es armes communement Conseille toy a ceuls qui proprement Doivent aler soustenir ta banniere : Clers n'y vont point, et font le jugement, Mais au faire gist toute la maniere. (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 92).

 

Rem. Cf. aussi Morawski 138 : Assez fait qui fait faire, 349 : Chacun dit : je feray, je feray, mais la veue declaire tout, 1455 : Len doit faire l'un avant l'autre, 1457 : Len doit faire quant leus et tens en est, 1458 : Len doit faire quant len peut, car on ne fait pas quant on veult, 1988 : Qui me fet faz à lui, que ne me fet ne jo lui, 2156 : Qui te fayt, fay luy.

B. -

Empl. trans.

 

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[Idée de réalisation, de fabrication]

 

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Il convient de faire flêches de tel bois qu'on a V. flèche

 

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Tel sait bien faire une maison, qui ne sait pas faire un moulin V. maison

 

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[Idée d'accomplir]

 

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Celui-la se défait qui trop mange et ne fait rien V. manger

 

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Ce qui est fait par mesure bien est fait et pour ce plus dure V. mesure

 

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Faire folie et ne la connaître sont deux sortes de folies V. folie

 

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Guerre ne se fait que pour avoir paix V. guerre

 

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Il vaut mieux se taire que dire folie et faire V. folie

 

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La joie du juste est que justice soit faite V. joie

 

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Une marchandise ("négociation, transaction") est faite rapidement quand il plaît à partie V. marchandise

 

Rem. Cf. aussi Morawski 351 : Chascun doit volentiers fere ce qui plait a son maistre

 

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[Idée de transformation] On ne doit pas d'un mâtin faire un lévrier V. mâtin

 

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[Caractère définitif de ce qui est fait]

 

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Ce qui est fait est fait : Haa ! tresdesleale Fortune (...), comment tu m'as deshonnouré a tousjours mais quant tu ne m'as laissé demourer entre les bons et eureux, ains m'en as eschassé sans esperance de retourner, car ce qui est fait ne peut estre a faire ! (Percef. V, R., c.1450 [c.1340], 88). Mais chou qu'est fait est fait, autre cose n'i quiert ; Ou li chevaux quiet mort, yl est de tous jugiet Que c'est ou on l'escorche (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 428). Er alors le duc à peu de mots bien courts respondy : "Levez-vous, levez : ce qui est fait est fait et passé. J'ay tout pardonné et me tiens à content. Levez-vous, vous estes nobles hommes et mes subgès, soyez-moy bons et léaux et vous m'aurez à bon prince." (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 150). [Gloriande, la fille du soudan, veut délivrer Mabrien, retenu en prison ; celui ci vient de tuer son geôlier] La damoiselle dist : "...Bien sçay que vous este nobles homs, preux, hardi et vaillant, et si a en vostre fait grant oultrage quant en tel dangier comme prisonnier que vous estes du soudanc, avez cellui occiz en ma presence, sans l'ayde et compaignie duqel je ne vous povoye delivrer ne venir vers vous. Ce qui est fait n'est mie a faire..." (Mabrien V., 1462, 206-207).

 

Rem. Morawski 335 : Ce qui est fait n'est pas a fere ; Hassell 107, F7.

 

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Ce qui est fait ne peut être défait : Ne vous en prenez a nul fors A vous, sauve soit vostre paix ; Car, par deffaulte de vous, paix Ne puet avoir cellui bas monde, Plus desvoié que de mer l'onde. Or sus donques ! ce dist Raison, De ceste chose nous taison. Ce qui est fait ne puet deffaire, Mais pensons s'il se pourra faire Qu'autrement le monde arreé Puist estre qui est desreé. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 15).

 

Rem. Hassell 107, F8.

 

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La fin fait tout V. fin

 

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Quand c'est fait c'est fait : ELIEZER. Prenne a gré qui veult ; Quant c'est faict c'est faict. ESAÜ. C'est fait voirement, Mais j'en ay du pire. ELIEZER. Il fault doulcement tout endurer, sire. (Myst. Viel test. R., t.2, c.1450, 166).

 

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[Point de vue moral, pédagogique, religieux]

 

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À mal faire il n'y a pas de jeu V. jeu

 

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Bien faire à mauvais rien ne vaut V. mauvais

 

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Dieu ne fait rien pour néant V. Dieu

 

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Qui fait ce qu'il doit, de rien ne méfait : François font lor devoir, ne les devez blasmer, Ains les doit-on prisier, chiérir et honnerer ; Car qui fait ce qu'il doit, j'ose bien dire au cler Que de riens ne meffait ; Bon est à excuser. (CUVELIER, Chron. Guescl. C., t.2, c.1380-1385, 205).

 

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Qui fait ce qu'il doit ne forvoie mie : ...li ducs de Bretaigne ot covent une fie Qui venroit à Paris, la cité bien garnie, Pour acorder au roy et monstrer drueri ; Mais point n'i fu venu, dont il fist grant folie ; Car qui fait ce qu'il doit il ne forvoie mie. (CUVELIER, Chron. Guescl. C., t.2, c.1380-1385, 313).

 

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Fais ce que tu dois (et Dieu fera le demeurant/et advienne que pourra) : Fay tousjours ce que tu doys : Ne t'esbahy se tu voys Aucune chose grevayne ; Ce qui puet avenir veigne : Dieux cognoist tout une foys. (DESCH., Oeuvres Q., t.4, c.1370-1407, 23). Lors la royne respondy a Ardant Desir et dist ainsi : "Beaux amis et vous belle amie, il se dit en proverbe : Fais ce que tu dois et veigne ce que pourra..." (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 444). Fay ce que tu dois et Dieu fera le demourant ; pour tant lui prions en la quarte demande : panem nostrum etc., jour au jour la vie. (GERS., 1403, Oeuvres complètes G., 378). ...cusançon ou solitude se peut faire en quatre manieres : ou pour desespoir de la pourveance de Dieu ; ou par trop soy occuper en telles pensees et par en perdre sa raison ailleurs ; ou par mesure selond bonne prudence pour soy, ou quartement pour la chose punblique. Les deux dernieres se peuvent faire, et non pas les autres. Fay ce que tu dois et Dieu fera le demourant (GERS., 1403, Oeuvres complètes G., 895). Touttesfoys les choses sont adventureuses, et aucuneffoys les hommes n'ont pas la congnoissance proprement de ce qu'il se doit faire, et Dieu leur oste l'entendement, par quoy ilz font tout le contraire de la raison. Mais, là où Dieu veult, sens de homme n'a mestier ; pour ce, fault tout mettre en la main d'icellui et faire selon ung proverbe qui dit : Fais ce que tu dois et adviengne ce qu'il pourra. (BUEIL, II, 1461-1466, 205).

 

Rem. Hassell 108, F5 ; DI STEF. 325c, faire.

 

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La fin fait le compte V. fin

 

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La multitude ne fait pas toujours les victoires V. multitude

 

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Le mauvais est de telle condition que plus vous lui faites du bien plus il vous rendra de mal V. mauvais

 

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Vérité n'a que faire des jangles V. jangle

 

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L'habit et la profession ne font pas la religion V. habit

 

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Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse : Lors se treï vers moy la simple et coie, Pour qui Amours me destreint et maistroie, Et dist: "Amis, certes, riens ne vorroie Faire a nelui, Dont il eüst grevance ne anui, Ne l'en ne doit faire chose a autrui Qu'on ne vosist que l'en feïst a lui. Et, biaus amis, Il n'est nuls biens qui ne soit remeris, N'il n'est aussi maus qui ne soit punis." (MACH., J. R. Beh., c.1340, 77). La vëoit elle clerement Sans obscurté n'empeschement, Quanque Dieus et Nature donne A bonne eüreuse personne. C'est le mal laissier et bien faire, Et non voloir autrui contraire, Car fols est qui autrui pourchace Chose qu'il ne vuet qu'on li face. (MACH., J. R. Nav., 1349, 177). Certes, c'est faire contre la Loy naturele et divine en laquelle il est dit que nul ne doit faire a aultruy for ce que il voudret que l'en luy fait (Songe verg. S., t.1, 1378, 51). Ne fay aux autres rien qui soit, Que pour toy mesmes ne feïsses ! Ne baille que tu ne preïsses ! Eschieve chose dommagable, Et enseigne la proufitable ! (LE FÈVRE, Lament. Math. V.H., c.1380, 166). Ne vueille aucun de vous faire a son compagnon ce qu'il vouldroit que par un autre lui fust fait ; mais soyez concors et amez l'un l'autre (GUILL. TIGNONV., Ditz moraulx philos. E., a.1402, 897). Et pour ce que toutes trois font a eschiver et qu'en nul cas mesdire n'est loisible, ains est pechié mortel tres deffendu, car c'est contre .II.. des commandemens de Dieu, l'un qui dit : Ne fay a autrui ne que tu vouldroies qu'il te feist (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 141).

 

Rem. Morawski 724 : Fai a autri ce que tu vourroies c'on te feït ; Hassell 107, F4 ; DI STEF. 325c, faire.

 

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On fait volontiers ce qu'on voit faire à son maître : Et pour ce dist l'on que honte est au maistre qui reprent aultruy de ce qu'il est entechié. Et pour ce doit estre le repreneur tel qu'il puisse reprendre sans estre reprins affin que le repris ait plus grant confusion de son meffait et plus grant doubte de rencheoir, car l'on fait voulentiers ce que l'on voit faire a son maistre. (Percef. II, R., t.2, c.1450 [c.1340], 256).

 

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On ne doit rien faire sans conseil V. conseil

 

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Qui ennui fait, ennui requiert V. ennui

 

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Qui mieux fait à qqn et pire l'a : Vous savez, m'amie, que je vous ay amee et cher tenue et ai mis grant paine a soustenir nostre estat et nostre fait, et voz enfans et les miens se portent mal envers moy. -- Et que voulez vous que je face ? fait la dame. L'en vous fait tout le mieulx que l'en peut. Vous ne savez que vous demandez, mes qui mieulx vous fait et pis vous a, et oncques vous ne fustes aultre (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 74).

 

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Tel veut bien qu'on lui fasse honneur qui ne fait honneur à personne V. honneur

 

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[Point de vue pratique]

 

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Ce qu'on pense faire tôt n'est pas bien avisé V. aviser

 

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À ce qu'on fait il faut commencement, moyen avant la fin V. commencement

 

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Il ne faut pas remettre au lendemain ce qu'on peut faire le jour même V. lendemain

 

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Qui en fait une, il en fait bien deux : Et, pour ce que aise ne se peult souffrir, il y eust quelque filz de bonne mere qui dist au Jouvencel, pensant mettre quelque grant brouilliz et quelque grant debat entre le roy Amydas et lui, et lui remonstra comment il estoit trompé et que le roy Amydas avoit ung petit filz, lequel avoit donné à entendre qu'il estoit mort et l'avoit fait cachier et nourrir en loingtain payz, affin qu'il n'en fut nouvelle, pour mieulx marier sa fille et trouver homme qui le secourust à son besoing et remist en sa seigneurie ; "ce que vous avez fait. Et, qui en fait une, il en fait bien deulx...." (BUEIL, II, 1461-1466, 252).

 

Rem. DI STEF. 325c, faire.

 

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[Idée de contrefaire]

 

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À vide main fait on le sourd V. main1

 

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Tel fait souvent du commissaire, qui n'a ni sceau ni mandement V. commissaire

 

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[Faire (de) qqn/qqc. + attribut]

 

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C'est méchef quand on fait de mauvais haut chef V. meschief

 

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Guerre fait l'homme forcené V. guerre

 

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Homme fait saint lieu, mais lieu ne fait saint homme V. lieu

 

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Mauvais maris font leurs femmes mauvaises V. mari

 

Rem. Cf. aussi Morawski 1750 : Quant len cuide avoir tot fait, si est tot à reconmencier, 1936 : Qui fest ceo k'il puet toutes ses leis acomplist, 1988 : Qui me fet faz à lui, que ne me fet ne jo lui, 2116 : Qui rien ne fet rien ne prent, 2151 : Qui tant a fait qu'il ne puet més, bien le doit len lessier en pés, 2211 : Riens ne fait qui ne parfait.

 

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Empl. pronom. Merveilles tous les jours se font V. merveille
 

Lexique de proverbes Pierre Cromer


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