Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

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     BEAU     
FEW I bellus
BEAU, adj.
[T-L : bel1 ; GD : bel ; GDC : bel ; AND : bel ; DÉCT : bel ; FEW I, 319a : bellus]

A. -

"Qui procure une satisfaction d'ordre esthétique, qui plaît"

 

1.

[En parlant d'une pers.]

 

-

[En tournure nég.] : Sire, vostre comant feront, Quar avec ung le lïeront De ces corges que ycy tenont. Tant le batront Que an se jour perdra la vie, Et puis feront vostre comant, Que il ne seray pas biaulx. (Pass. Autun Roman F., c.1400-1500, 191).

 

2.

[En parlant de choses, naturelles ou créées]

 

-

Prov. Brie est belle : Au mal gibet puisse il baller Qui n'a grant joye de la nouvelle ; Resjouyr se fault : brie est belle (Myst. st Laur. S.W., 1499, 138).

 

Rem. Proverbe également cité ds Myst. viel test. R., c.1450, t.3, 18 et ds Moralité 1427 B.B., 1428, 138. D'apr. l'éd. de ce dernier texte, le sens serait : "tout va bien".

 

-

De plus beau : Puis qu'i vous semble que soit bon Abatre tout le Portereau, Qu'i soit fait nous nous consenton(s), Et tout jusques au rees de l'eau Combien que ce noble joyau Nous fait mal des Augustins ; Mais nous le referons de plus beau S'i plaist a Dieu et a ses sains. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 149).

B. -

P. ext. "Qui produit de l'agrément, de la satisfaction"

 

1.

"Qui est agréable"

 

a)

[En parlant d'attitudes, de comportements] : Ma fille, vostre beau parler Me plaist moult, je vous certiffie. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 511). Qui sçaura beau mot, si le die En allant les vrays martirs querre Qui sont en doulleur et en guerre Pour le nom de Jesus deffendre. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 265).

 

b)

[P. affaiblissement, terme d'affection]

 

-

Empl. subst. [Dans le vocatif] : MARIE. (...) Certes, bien je debvroye perir Quant je voy mon filz en croix morir. Beaulx, bien avés muër coleur - Helas, c'est pour vostre grant doleur - Qui tant estoit vermoille et freche ; En vostre corps il n'avoyt tache. (Pass. Autun Biard F., 1470-1471, 113).

 

2.

"Qui satisfait par son apparence et en raison de l'appropriation à la fin recherchée"

 

a)

[En parlant d'actions]

 

-

Faire beau jeu à qqn. V. jeu "Faire bon accueil, bonne mine à qqn"

 

-

Il est beau. "Il est avantageux, il vaut mieux" : Mais il me fault premierement Avoir cordes ung grant fardeaul, Car il nous sera trop plus beaul Que ce qu'en soyons desgarniz [des prisonniers]. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 72).

 

b)

Empl. adv. "De manière satisfaisante"

 

-

Bien et beau. "Bel et bien, très bien" : Le grant Dieu, tu dix bien et beaul. Leur vouloie tu je ne sçay quoy ? (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 254). Comment fust-il issu de cy ? Chose seroit trop impossible S'il n'avoit ouvré d'invisible, L'huys estoit bien et beau fermé Et se n'y a riens de quessé, Hault ne bas je n'y voy rompture. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 259). Il s'en est bien et beau fouÿ ; Croyez qu'il y a tromperye. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 871). Cela est menty bien et beau : Moy mesmes l'ay fait decoler, Par quoy jamais n'en fault parler. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 400). Ruben, demande [l. Ruben demande] bien et bel, Tousjours avons en esperance Que, par la vostre pourvëance, Serons relevéz et resours. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 1021).

 

-

Avoir beau + inf. "Déployer inutilement ses efforts dans un but donné" : Bel y avez vous esprouver Et y faire champs de bataille, Encontre eux ce voloir trouver, Rasibus de nostre muraille. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 304).

 

-

Mener beau + subst. "Donner du fil à retordre à" : Has ! Quelle journee doloreuse D'avoir perdu ce bel joyau, De ceste place vertueuse, Et qui tant François menoit beau ! (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 483).

 

-

La bailler belle à qqn. "Se jouer de qqn, se moquer de qqn" : Ouÿ, il la nous baulront belle : Nous en serons tres bien reffaiz. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 889).

 

Rem. Cette loc., de même que l'échapper belle, la manquer belle, la donner belle, la passer belle, etc., est issue du langage des joueurs de paume. Le pron. la représente à l'origine le nom balle (cf. Grevisse, Bon usage, §§ 478, 2° et 783 hist d).

 

3.

"Qui est moralement satisfaisant, qui a une valeur d'exemplarité (notamment au regard de la vaillance)"

 

-

"Agréable par ses qualités morales"

 

.

[En parlant d'une pers., et p. méton., de son âme] : ...se l'omme mouroit, En tel estat s'ame en iroit Sans paine et sans faire sejour, Plus clere et plus belle que jour, En la joye de paradis. (Mart. st Pierre st Paul R., c.1430-1440, 134).

C. -

[Marque l'idée de plénitude]

 

1.

De beau present. "Dès maintenant" : Bernard, a la conclussion, Je veult que soyés marié Tantost, ou mal lié me feyrés. Entrepris l'ay de bel present. (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 3).

 

Rem. Var. intensive de la loc. de present "actuellement, maintenant"

 

2.

[Marque l'importance en intensité, en quantité] "Grand, important"

 

-

Bel et gent. "Abondant" : Se nous ne sommes fortunéz A ce que le temps s'appareille, Nous devrions bien faire merveille D'avoir du poisson bel et gent Et, par consequant, de l'argent, Se maree se pouoit vendre. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 957).

 

3.

De plus belle. "De manière plus intense, plus significative" : Or ça, ça, or vous depachés. Il nous faut jouer de plus belle. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 229). Avant ! avant ! compaignons, sus ! Recommençon tous de plus belle. Tien ce coup cy sur la mamelle ! (Myst. st Laur. S.W., 1499, 225).
 

Mystères Jean-Loup Ringenbach


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