Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

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     GOUTTE1          GOUTTE2     
FEW IV gutta
GOUTTE, subst. fém.
[T-L : gote ; GDC : goutte ; FEW IV, 344a : gutta]

I. -

"Petite parcelle d'un liquide"

A. -

[En cont. métaph.] : La traÿson de mon couraige Ne ce peut oster ne refraindre : Le brasier n'en saroient estaindre Toutes les gouttes de la mer. Il le me convient consommer, Je ne me puis plus contrefaire. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 660).

B. -

P. ext.

 

1.

"Très petite quantité" : Helas, maistre, une seule goute De mercy pour tous noz rabas ! (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 1041).

 

-

Ne ... grain ne goutte. "Ne ... rien" : De pis en pis. Quelque vïende que je goutte, En moy ne remaint grain ne goutte. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 487).

 

.

Empl. adv. Ne ... grain ne goutte. "Aucunement" : Pour ce veult Dieu que prestement Nous pugnissions luy et ses gens, Soyent conseilliers ou sergens, Sans les espargner grain ne goutte. (Myst. ste Agathe B., c.1450-1500, 192).

 

-

N'avoir goutte. "N'avoir rien" : Mieulx leur vaulcist avoir creance En noz dieux et en leur puissance, Et trop mieulx leur en fut sans doubte ; Mais en volenté ilz [les chrétiens] n'ont goute De l'ainsi faire, a mon advis (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 87).

 

2.

[Avec le verbe voir]

 

a)

[En tournure nég.] Ne voir goutte. "Ne rien voir"

 

-

[Le suj. désigne un aveugle]

 

.

Ne voir goutte : Helas, et veulliez moy donner Ung nicquet ou quelque denier, Ou nom de Dieu le droitturier, Au povre homme qui ne voit goutte ! (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 98).

 

.

N'y voir goutte : Helas a ceste pouvre fame Qu'est avuegle et n'y voit goutte (OUDIN, St Genis M.S., c.1490, 73).

 

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Ne voir (nulle) goutte des yeux : Onques jour n'avoie veü Des biaux yeux que j'ay nulle goute. (Jour Jug. R., c.1380-1400, 230). Amy, je voy bien a ta guise Que tu ne voy goute des yeulx. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 203).

 

-

[Le suj. désigne une pers. qui se trouve dans l'obscurité]

 

.

N'y voir goutte : Il ny a en ceste demeur Feu ne clarte goute ny voy (Myst. st Martin K., a.1500, 305).

 

-

[Le suj. désigne un objet inerte : une idole (cf.Ps. 135, 16 : Les idoles des païens (...) ont des yeux et ne voient point)]

 

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Ne voir goutte : Ce sont similacres confus [les idoles], Esquelx ne doit avoir fiance, Car ilz n'ont aucune puissance : Ilz ont beaulx yeulx et ne voient goute, Ilz ont bouche et riens ne gouttent ; Des pieds ont, point ne les remuent (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 127).

 

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Ne voir goutte de lumiere : Bouches ont [les idoles], or leur dis qu'ilz rient ! Oreilles ont et sy n'oyent goute, Et yeulx ouvers, mès ne voient gote De lumiere, tu le vois cler. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 103).

 

-

[Voir a le sens de "concevoir, envisager"] : LE CHANCELIER. Meilleur remede n'y voy goute, Fors que de les fere amener Par devant vous, et que mandez Soit par vous a vostre grant juge Que briefment et sans nul refuge Les vous amainne attivement, Prins et liez estroictement (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 141).

 

b)

[En tournure interr.] Voyez-vous goutte ? "Voyez-vous quelque chose ?" : Voyez vous goute ? Vela ung enfent qu'on pourmaine. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 363).

 

3.

[Avec le verbe ouïr]

 

-

[En tournure nég., le suj. désigne un objet inerte : une idole (cf. supra)] N'ouïr goutte. "Ne rien entendre" : Bouches ont [les idoles], or leur dis qu'ilz rient ! Oreilles ont et sy n'oyent goute, Et yeulx ouvers, mès ne voient gote De lumiere, tu le vois cler. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 103). En Jhesus nous voulons fïer, Car il l'a [l. Car ill a] planiere puissance De procurer nou delivrance Plus que non [l. que n'on[t]] pas voustre ydolles, Que adorés comme gens foulles, Qui n'oyent goute et sont mues Comme pierres parmi les rues. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 82).

II. -

"Maladie des articulations"

 

-

Male goutte

 

.

[Dans une formule d'imprécation] : Tu riffles comme ung droit porceaulx. Esgar quel lanssiés de sangler ! Quant sera plain vostre peut ventre ? Que male fievre vous y entre, Et mal farsin et male guoute ! (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 77). Vous avez tout beu. Malle goute Vous puist estaindre le gosier ! (Myst. st Laur. S.W., 1499, 176).

 

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Mangé de goutte. V. manger
 

Mystères Jean-Loup Ringenbach


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