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DEVOIR, verbe |
[AND : deveir ; DÉCT : devoir ] |
"Devoir" |
I. - | Devoir qqc. à qqn |
A. - | [L'obj. désigne ce dont le suj. est tenu de s'acquitter] : Quant le vi [escrin], ne me deportay, Mais le pris (...) Et dedans ay trouvé d'avoir Autant qu'il [bourgois] me pouoit devoir ([Mir. march. juif, c.1377, 222]). |
B. - | "Être tenu à qqc. par l'équité" : Tu as bien tant a Dieu servi Que paradis as desservi Et que sa gloire t'est deue ([Mir. st Guill., c.1347, 44]). |
C. - | Part. passé en empl. subst. masc. |
| - | "Dette" : En tel deu nous trebucha Que pur homme de le paier (...) Ne fu souffisant ([Mir. st Val., c.1367, 142]). DEUXIESME ESCUIER. (...) Conmandez leur [aux pelerins] sanz detrier Paier leur deu. ZOILE. Seigneurs, il me fault mon treu Ainçois que plus avant ailliez ([Mir. Pierre Changeur, c.1378, 287]). |
| - | "Devoir, obligation" |
| . | Faire son deu : ...quant ja failli sera jour Ou que soit les enterrerons, Et je cuide que nous ferons Nostre deu. ([Mir. Barl. Josaph., c.1363, 369]). DIEU. Nous avons fait nostre deu : R'alons nous ent. ([Mir. Amis, c.1365, 63]). |
| . | Faire son deu de qqc. : GOBIN. (...) Tenez, mon seigneur : est ce ycy L'escrin que demandez avoir ? (...) LE BOURGEOIS. Tu en as bien fait ton deu, Que c'est celi que je demande. ([Mir. march. juif, c.1377, 204]). TROISIESME POVRE. Je mesprendroie malement, Puis que s'aumosne ay receu, Se n'en, faisoie mon deu ; Pour ç'a genouz me vueil ci mettre Et pour li Dieu (...) prier. ([Mir. st Alexis, 1382, 320]). |
II. - | Devoir + inf. |
A. - | [Marque l'idée d'obligation] |
| 1. | [Une obligation au regard de la morale, de l'usage] |
| - | [Obligation au regard de la morale] : ...femme ne doit concepvoir lignie fors de son mari ([Mir. femme roy Port., c.1342, 149]). ...puis que nous sommes fréres, nous nous devons entreaidier ([Mir. st Val., c.1367, 122]). |
| - | [Obligation au regard de l'usage] : LE PAPE. (...) cil qui les devoit Deservir [lampes] lui et son lignage Ay franchy d'ycellui servage ([Mir. pape, 1346, 373]). |
| - | Empl. impers. : LA NIEPCE. Cousine, je ne vous fail point ; Si vous doit de moy souvenir, Quant vous pourrez regne tenir De royauté. LA FILLE. (...) Cousine, ja ne vous faudray ([Mir. femme roy Port., c.1342, 176]). |
| 2. | [Une obligation tirée de l'expérience, imposée par une finalité pratique] : CONSTANCE. (...) Je ne scé se ce sont veneurs Ou se ce sont de gens robeurs. Partons de cy. YSABEL. C'est bien a faire, car aussi Ne sont il pas de nous moult loing ; Si devons avoir plus grant soing De nous garder. ([Mir. Berthe, c.1373, 231]). ...doubter Maishuy Sarrazins ne devons, Puis que le champ gangnié avons ([Mir. Rob. Dyable, c.1375, 158]). |
| 3. | [Dans un sens affaibli, une obligation née d'une simple conformité à l'ordre des choses] |
| a) | [En parlant de pers.] "Avoir lieu pour qqn de" : Nous devons bien merveille avoir Que mon seigneur est devenuz N'en quel lieu il s'est tant tenuz, Quant ne revient. ([Mir. femme roy Port., c.1342, 166]). Helas ! bien devons de douleur, Sire, en lermes fondre et remettre, Quant nostre vray seigneur (...) Nous fault veoir jesir en biére. ([Mir. st Lor., 1380, 144]). |
| b) | [En parlant de choses] "Avoir pour effet (sur qqn qui a l'obligation de s'y plier) de" : A tout cuer embelir et plaire Doit qu'il vous serve nuit et jour ([Mir. nonne, 1345, 325]). |
B. - | [Marque l'idée de nécessité, de conformité à l'ordre des choses] |
| 1. | [Nécessité inhérente aux choses] : L'ABBEESSE. (...) Amours m'assault et me guerrie Pour mon clerc (...), Car sodainement monstré m'a Son maintien, qui par est si gent Qu'il doit bien plaire a toute gent ([Mir. abbeesse, 1340, 66]). Jehan, conme li Dieu messages, Te demant a avoir baptesme Et la sainte huile et le saint cresme Qui y doit estre. ([Mir. st J. Cris., c.1344, 284]). |
| 2. | [Dans un sens affaibli] |
| a) | [Marque l'idée d'un avenir déjà déterminé] : J'ay oy dire qu'en ce jour Doit avoir feste en ceste ville ([Mir. ev. arced., c.1341, 126]). C'est la nuit que mon seigneur doit Joir de sa fille ([Mir. femme roy Port., c.1342, 173]). ...une des plus grans [joies] si fu quant l'ange Gabriel lui apporta [à Marie] les nouvelles que la paix devoit estre faite entre Dieu et humain lignage ([Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 206]). |
| b) | [Dans un système hypothétique (complet ou non), marque l'idée que normalement la relation hypothétique est vérifiée] : Estat deust mener de conte, S'il fust sages et diligens, Et il n'est que robeur de gens ([Mir. Rob. Dyable, c.1375, 4]). J'ay bien cuidié qu'en deux partir Deust mon cuer pour s'amistié, Tant me prist de li grant pitié ([Mir. ste Bauth., c.1376, 113]). |
| c) | [En constr. interr. (avec effacement de l'inf. ?)] Que ce doit ? "Comment cela se fait-il ?" : LE SEIGNEUR. Amie, voulentiers seroie Bien de vous, se il vous plaisoit. LA DAME. Doulce mére Dieu, que ce doit ? Mon seigneur, qu'avez vous pensé ? ([Mir. enf. diable, c.1339, 9]). |
| - | [Suivi d'une prop. introd. par que] "Comment se fait-il que... ?" : Dites li qu'elle soit ysnelle D'un po venir parler a moy, Et que ce doit que ne la voy Plus que ne fas. ([Mir. roy Thierry, c.1374, 310]). |
Miracles |
Pierre Kunstmann |
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