Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

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     ENTENDRE     
FEW IV intendere
ENTENDRE, verbe
[T-L : entendre ; AND : entendre1 ; DÉCT : entendre ; FEW IV, 740-744 : intendere]

I. -

Empl. trans. indir.

A. -

[L'idée dominante est celle de l'attention]

 

1.

[Le compl. désigne une pers.] Entendre à qqn. "L'écouter avec attention, lui obéir" : "Mon chier enfant, dit la mere qui est en la doloreuse prison de purgatoire, en peine et en tourment, mon chier enfant, entens a moy, regarde moy, escoute moy !..." (GERS., Déf., 1400, 226).

 

2.

[Le compl. désigne une chose abstr.] Entendre à qqc. "Y mettre son attention ; veiller à qqc." : Et ad ce doit plus entendre, travailler et pener celuy a qui Dieu a doné plus haut et plus parfont entendement (Songe verg. S., t.1, 1378, 5). Lors chacun entendra a l'aumentacion de la foy catholique et au bien publique de toute la Crestiente et souverainement a reduire les scismatiques et les infidelx (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 296). ...pourquoy Dieu revela sa gloire plus aux pasteurs que aux autres ? Premierement ilz veilloyent et entendoyent au gouvernement de leurs brebis. Par quoy nous est monstré que ung seigneur se il veille diligemment a garder son pays (...), Dieu se monstrera a luy (GERS., Noël, p.1404, 296).

 

-

Part. passé en empl. adj. Estre entendu à qqc. "Être attentif à qqc." : Et les autres sont aux piez de dame Sapience, tous entenduz a sa doctrine, eslevez en contemplation et en amour d'ycelle (Déclar. Hyst. S., a.1449, 190).

B. -

[L'idée dominante est celle de l'intention]

 

1.

Entendre à qqc. "S'occuper de, vaquer à qqc." : ...lesquelx officiers doivent estre doubles, affin que une partie es jours communs et feriaulx puissent entendre a leur besoingne particuliere et domestique (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 226). Or entens bien comment tu congnoistras lune de lautre, cogitacion a vng mouuement vague et passe de lung a lautre, meditacion perseuere et entent a une chose, contemplacion entour une chose voit choses innumerables et soy espant par intelligence aussi comme se lentendement se dilatoit (CIB., p.1451, 181). ...et se commença en leur temps la science des estoilles moult fort à augmenter et acroistre, et les plus puissans de la terre y entendoient et vaquoient plus que à nulle autre des ars liberaulx. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 16 r°).

 

2.

Entendre + inf. "Avoir l'intention de faire qqc." : Et non pourtant je n'entends pas suivre toute l'ordre de sa posterité et generacion, ainçois tiendray la plus certaine et laisseray celle de Caïm (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 11 v°). Cestui previt, sur aucune question qui lui fut faicte, que la dame de Courcy, Françoise, n'estoit point pour gouverner icelle royne en Angleterre pendant le voyage que entendoit fere le roy en Ybernie (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 144 v°).

II. -

Empl. trans.

A. -

[L'idée dominante est celle de la compréhension] "Comprendre"

 

1.

[Le compl. désigne Dieu] : Lymage de creacion est en tous bons et mauuais en tant quilz sont naquis en puissance dentendre et de aymer dieu (CIB., p.1451, 204).

 

2.

[Le compl. désigne une chose abstr.] : Comment ilz seurent tous langages ? Aucuns dient que par I langage on les entendoit en toutes manieres, les autres que ensamble ilz parloient tous languages, les autres que l'un aprés l'autre, et ne les entendoient point, et c'estoit a la dilatacion de la foy. (GERS., Pent., p.1389, 83). Vray est que je pourray bien dire pluseurs choses de ce miroir et de ceste ymaige de l'ame, lesquelles chascun n'entendra pas. (...) Si je vous dis choses terriennes, choses dedans vous, et point ne les entendez, qui vous dira choses celestiennes, choses dessus vous, veez comment les comprendrez ? Neantmoins je scay bien que c'est grande consolacion d'oïr parler de Dieu et des choses divines, et n'est pas temps perdu, jassoit ce que on ne entent pas tout, comme les simples gens oyent a proffit le service de l'eglise en latin combien que ne l'entendent mie. (GERS., Trin., 1402, 155). Une beste jamais ne pourroit entendre ce que je luy diroye de pluseurs choses que je scay estre vrayes, et congnois tres clerement par diverses sciences. (GERS., Trin., 1402, 158). ...et se tiennent leurs oppinions bien certaines en tous les jugemens de astrologie, et qui bien les entend et les suyt, il ne doit pas errer facillement. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 118 v°). Cestui predist aucunes sterilitez en icellui païs et fist le livre que l'on dit les Contenances de la Lune, qui est fort à entendre, sinon aux bien entenduz. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 131 r°). ...il fut homme très veritable en ses diz, mais pource qu'il a coullouré ses diz en aucunes choses comme les poetes, il semble qu'il parle de choses impossibles, mais les bons cosmographes entendent bien la verité aucunes foiz couverte en diverses formes (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 133 v°).

 

-

Part. passé en empl. adj. [D'une pers.] "Qui s'entend bien à une chose ; qui en connaît la pratique" : Chaton le Grant fut environ ce temps moult subtil et entendu en la discipline celeste et furent en lui trois singulieres choses, grant orateur, grant empereur, optime senateur. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 68 v°).

 

-

Faire entendant (à qqn). "Faire accroire" : Maiz ce qu'elles [les jeunes femmes] en [de la magie] font espoir c'est pour mieulx tenir leurs amis en leur servage ou pour les mieulx a leur amour attraire selon ce que les vieilles de grant malice plaines leur ont fait entendant, dont elles sont moult souvent deceues et si que elles en perdent leurs amis qu'elles cuidoient mieulx a leur amour attraire (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 97). ...comme deux loups s'accordent a prendre une brebis, et faisoyent entendent que c'estoit grande liberalité et souverainne vaillance et de les souffrir ainsy nourrir. (GERS., Noël, p.1404, 308).

B. -

[L'idée dominante est celle de la perception par l'ouïe] "Entendre, écouter"

 

-

P. méton. [Le compl. désigne la pers. qui parle]

 

.

Entendre qqn + verbe à l'inf. : Quelle fut la joyeuse exultacion de vostre esperit quant vous entendistes une grant multitude d'angelz chanter a heure de minuyt a haulte voix, tellement que toute la terre et tout le ciel en resonnoit (GERS., Noël, p.1404, 291).

 

.

[Le compl. est une sub. interr.] : Gloire soit a Dieu la sus, et en terre paix aux hommes de bonne voulenté ! Entendez, roys, princes et seigneurs et toutes devotes personnes, entendez quelle belle personne est au jour d'uy faicte : elle comprent et ciel, et terre, et Dieu, et homme (GERS., Noël, p.1404, 292).

III. -

Empl. pronom.

A. -

Soi entendre faire qqc. "Consentir à faire qqc. (?)" : "Entendons celle incarnation du Filz de Dieu et de la vierge la nativité, en laquelle le Filz se entend estre envoié, par une mesmes operation du Pere et du Filz estre faite inseparablement de et par eulz conjoinctement avec le Saint Esperit." (Somme abr., c.1477-1481, 119).

B. -

Empl. pronom. à sens passif : La promesse aussi de Jhesu Crist s'entant en temps et en lieu et en necessité ou utilité pour son Eglise. (GERS., P. Paul, a.1394, 487). Et se nulz des cas precedens n'advient et l'homme adultere sa femme morte ou le son mary de l'adultere mort contrait mariage avec icelle que il a pollut par adultere, le mariage tient, comme il est dit au chapitle predit. Et ce se doit entendre quant l'homme et la femme adulteres scavoient l'empeschement quant ilz contraient ensemble. (Sacr. mar., c.1477-1481, 64). Pline dit qu'il fut inventeur de astrologie, mais il s'entend en son lieu, car les anciens acteurs dient qu'elle fut inventée aussi en Syrie (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 21 v°).
 

Littérature didactique Hiltrud Gerner


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