Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

Article complet 
FamilleStructureSans exempleCompletFormesExemplesTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     ART     
FEW XXV ars
ART, subst. masc. et fém.
[T-L : art ; AND : art1 ; DÉCT : art ; FEW XXV, 344b-345 : ars]

I. -

[Sens gén.]

A. -

"Connaissance, savoir, façon d'agir" : "Belle seur, disoit Raison a l'Ame, tu es la tres belle ymaige, laquelle Dieu, le souverain Maistre, a voulu faire pour monstrer son art par dehors, sa puissance, sa saigesse et sa benivolence" ["discipline du faire" (Éd., 143)] (GERS., Trin., 1402, 166). En cellui temps, de seur potage, Il est certain, sans dire fable, Que brouet de char convenable, Adoubé, par art et pratique, D'aucune espice aromatique, Et de vinaigre ou de vinete, Est lors propice et chose nete. (LA HAYE, P. peste, 1426, 94). Pour certain, la sapience theologienne est princesse et royne de toutes sciences, a laquelle toutes les aultres ars et sciences servent comme chambrieres. (Somme abr., c.1477-1481, 98).

B. -

"Manière de bien pratiquer une activité ; méthode, règle propre à une discipline" : A quoy il est a dire que la science de Dieu est comparee aux choses creees, comme l'art de l'ouvrier aux choses faictes selon l'art. Et pour tant ainsi que l'art non seulement est congnoissance, mais aussi faisant et ouvrant les choses qui se font selon l'art, mais congnoist des choses qui se fourvoient des rieules de l'art seulement, ainsi la science de Dieu congnoist et fait (Somme abr., c.1477-1481, 171). ...cestui trouva mesures et poix, qui fut chose admirable aux hommes, qui alors estoit gros et ruddes, et fut leur disciple Entonus et Entriolus, qui premiers trouverent l'art de fere charretes. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 26 r°). Cestui fut maistre d'un nommé Esculapius, filz d'un nommé Appolo, le tiers memoré, qui puis fut très speculatif et trouva l'art de faire les mirouers, pour mieulx veoir les estoilles et esclipses, pour ce qu'il avoit tendre veue. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 29 r°).

C. -

"Artifice, subtilité" : ...il trouva la maniere de fere et tirer feu de perre et faisoit par aucun art deambuller aucuns ymages qu'il composoit, et mist premier perres precieuses ès anneaulx et les porta ou quart doy, disant que d'icelui procede la veine du cueur (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 21 r°).

II. -

[En partic.]

 

Rem. Art, gén. au plur., désigne sous la tournure traditionnelle les (sept) arts libéraux, les disciplines enseignées à l'Université ; au sing., il s'applique le plus souvent au savoir pratique des artisans p. oppos. à science, réservé au savoir spéculatif.

A. -

Les sept arts libéraux. "Les sept principales matières enseignées" : La septiesme des ars liberaulx dessus dictes et la quarte des .IIIJ. qui s'accordent ensamble c'est musique, qui traicte et determine des differences et des diversitez de sons et de proporcions qu'ilz ont les uns aux autres (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 43). ...pour vous monstrer et donner clerement à congnoistre et à iceulx detracteurs, comment astrologie est vraye science, l'une des sept ars liberaulx et que elle a esté aprise, sceue et pratiquée et leue par plusieurs sains patriarches, prophetes... (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 1 v°).

 

-

Maistre ès arts. "Grade universitaire qui donne le droit d'enseigner certaines matières" : Jehan de Marisi, frere cil qui fut decapité pour favoriser le peuple de Paris, maistre ès ars à Paris, fist une prenosticacion environ ce temps, en laquelle il mist expressement que entour Paris et autre part se verroient choses non autreffoiz veues (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 145 v°).

 

-

Lire les arts. "Enseigner (les humanités et la philosophie)" : Petrus de Monte Alcino, lisant les ars à Paris, souffisamment instruit en la science des jugemens de astrologie, prenostica sur l'apparicion d'une commecte qui aparut l'an 1402 (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 148 v°).

 

-

Art de rhétorique. "Un des arts du Trivium" : Cestui en escripvit de la nativité des dieux et sur geometrie et musique et sur l'art de rethorique. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 42 v°).

 

-

Art de médecine : Naturelment ne peut il nuire Qui le veult mesler et confire Sagement avec la racine De caparis, une herbe digne, Et, selon l'art de Médicine, Tout homme aiant foible poictrine, Mal estomac ou dolent cuer, Doit mains user de tel liqueur (LA HAYE, P. peste, 1426, 126).

B. -

[Les techniques]

 

-

Arts mécaniques. "Arts qui exigent le travail de la main ou l'emploi de la machine" : ...en oultre que iceulx Tubal, Jubal et Thubalcayn furent très expers en la science des estoilles, si furent ils en musique et geometrie et en toutes les autres sciences mathematiques, et furent inventeurs de plusieurs ars mechaniques... (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 13 r°).

 

-

Art de portraiture. "Art de dessiner de manière à faire ressembler" : Dit premierement qu'il s'appliqua à l'art de pourtraicture, puis à poeterie et tragedies, puis se mist à arismetique, à philozophie et au derrenier à astronomie, où il fut très expert. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 51 r°).

 

-

Art militaire : Albassari, souverain medicin et bon astrologien, fut en ce temps moult aprecié de Judas Machabeus, car avecques sa science fut moult experimenté en l'art millitaire. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 66 v°).

 

-

Art de perspective. "Science de la réfraction de la lumière" : Se une ymaige apparoit en l'air, sans ce que on veist le miroir ou la personne qui se mireroit, comme on le puet faire par l'art de perspective, n'est point doubte que par l'imaige on verroit la personne, jassoit ce que on ne la cuidast point veoir, qui ne sauroit que c'est (GERS., Trin., 1402, 169). Creto de Cerdone fut en ce temps, homme fort speculatif ès mouvemens et en l'art de perspective. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 87 v°).

C. -

Le plus souvent au plur. [Les sciences occultes]

 

-

Les mauvais arts. "Magie, sorcellerie" : ...si aucuns invocateurs, nigromanciens, abuseurs ou divins, pour couvrir leurs mauvais ars ont contrefait et contreffont les astrologiens et se aident d'aucune consideracion des corps celestes, il ne s'ensuit pas pourtant que la très noble et excellante science de astrologie et les purs astrologiens en doyent estre blasmés (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 2 r°).

 

-

Arts diaboliques/arts divinatifs/arts divinatoires/arts magiques/arts magicaux/arts notoires : Et pour ce que lez Ars magiques, conme est Nigromancie, Geomancie et samblables, si se font par aucunes evocacions de l'Anemi, pour tant, ce sont sciences qui sont deffendues. (Songe verg. S., t.1, 1378, 377). Derechief, Ysidore dist que Astrologie, laquelle, toutevoies, est la plus raysonnable entre lez Ars dyvinatives, quant a celle partie qui palle dez dyvinacions, si est reprouvee... (Songe verg. S., t.1, 1378, 409). Flateur, qui pis est, corrumpt la verité de vraye foy pour complaire et prouffiter a soy, et fait croire mensonges, sourceries, charmeries et ydolatries et ars magiquez et dyaboliquez, et delaisser Dieu pour recourir au deable, comme s'il fust plus puissant ou plus saige ou plus misericors que Dieu. (GERS., Annonc., a.1400, 235). En la premiere partie sera dit que c'est de art magique et de ses espesses, principes et fondemens et des observacions que font les magiciens et des moïens et manieres d'iceulx et en la fin d'iceulx sera adjousté que c'est de l'art notoire, de ciromance et geomance, que l'on dit ars divinatoires, et consequemment sera aussi traittié de l'art de augure, aruspice (...) en après de l'art de piromance, aerimance, armonance, spatulamence et presage (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 9 r°). ...et lors Belus, roy de Babillone, entra en Sirye et en occuppa une partie et, lui decedé, son fils Nynus la posseda entierement et vainquit Cham (...) et brusla les livres des ars magicaulx et de ydollatrie que avoit composé Zoroastes (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 14 v°). Elynant dit que Zoroastes escripvit en son temps par vingt fois cent mil vers et que, pour doubte d'un second deluge, mist il en escript en sept coulonnes d'arain les VII ars liberaux et les autres VII en coulones de terre cuite et que d'iceulx ars magiques il monstra et que plusieurs en usoient. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 17 r°).

 

Rem. Pour l'empl. du mot art, moins valorisant que science, chez Simon de Phares, cf. U. Ricken, "Gelehrter" und "Wiss." im Frz., 1961, 57-58.
 

Littérature didactique Hiltrud Gerner


Fermer la fenêtre