Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

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     CIEL     
FEW II-1 caelum
CIEL, subst. masc.
[T-L : ciel ; AND : ciel1 ; DÉCT : ciel ; FEW II-1, 34b-35a : caelum]

I. -

[Dans les sciences]

A. -

ASTR.

 

1.

"Chacune des sphères de matière transparente, concentriques à la terre, sur lesquelles sont fixés les différents corps célestes et qui accomplissent un mouvement rotatif autour du centre" : Ainsy donc mettent les philosophes .IX. esperes ou cieulx dont les .VIII. sont a nous notablement sensibles pour les divers mouvements des estoilles qui se monstrent a nous. (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 8). Et de ce s'ensuit il quant a nous que le ciel n'est pas bien droit situez ne assiz, maiz de maniere oblique, si comme il peut clerement apparoir, qui ymagine bien la situacion des poles dessus diz et comment les estoilles se meuvent entour eulx, et que le ciel se meuve tousjours entour la Terre de orient en occident. (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 9). Pour tant nulli ne peut nier, Qui ne vouldroit calumnier, Que les Cieulx et les sept Planètes N'aient grant povoir en leurs mètes Dessuz les choses variables Et par Nature transmuables. (LA HAYE, P. peste, 1426, 8). Abel et Seth furent après Adam et n'est de demander s'ilz furent point esmerveillez, quant ilz virent tourner si très velocieusement les cieux en ceste grande machine celeste (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 11 v°). ...pour raison delaquelle experience, plusieurs sages disoient qu'il [Atlas] portoit les cieulx sur ses espaules, ainsi comme s'ilz vouloient dire qu'il portoit sur soy tous les secretz descrips en iceulx. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 21 v°).

 

-

Ciel de la lune. "Première sphère qui sépare la région des éléments qui entourent la terre des sphères des planètes et des étoiles fixes" (synon. cercledelalune) : Le premier ciel ou la premiere espere ou regard de la Terre c'est le ciel de la Lune, qui sans moien avironne le feu et le contient en soy. (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 6).

 

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Ciel cristallin. "Neuvième sphère" (synon. cieleaueux) : Des yaues du ciel dient les theologiens que le ciel cristalin est de nature d'yaue. (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 290). ...aussi peut on dire que les yaues du ciel (...) sont bien lassus ou ciel latitans et mucies et ne se pevent manifester a nous, pour ce qu'il n'a ou ciel cristallin nulle estoille. (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 382).

 

Rem. V. aussi cristallin.

 

-

Premier ciel mobile : En aprés, au dessus du firmament est le .IXe. ciel, que on appelle le premier ciel mobille, ouquel cielz n'y a nulles estoilles, mais il se muet regulierement d'orient en occident sur les poles du monde par chascun jour naturel un tour. (FUSORIS, Traité cosmogr. G., 1432, 31).

 

2.

"Disposition des corps célestes étudiée du point de vue de leur influence sur la terre et sur la destinée humaine" : Et la vertu donc du ciel dont la complexion de l'omme se deppend fait son impression ou corps, qui en l'ame redonde aucunement et se monstre souvent, pour ce que l'ame ensuit le corps voulentiers par nature, comme Aristotes dit. (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 27). ...icelui roy Daire ayant une greve doleance en l'un des piez, où nul medicin ne povoit donner remede, pour la grande experience dudict Democedes fut ventillé au roy et fut envoyé querir, lequel incontinent advisa au cours de la Lune, loing du membre. Aussi à l'umeur peccante vit la disposicion du ciel convenable pour y fere applicacion et le fist, au moïen de laquelle, le roy Daire (...) perdit incontinent toute doulleur et fut gary (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 52 v°). Cestui composa le livre intitullé De locis habitabilibus, où il determine des choses contingentes ès diverses regions par la volubillité du ciel et se commance : "Illis quorum habitacionis loca, etc." (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 90 v°).

 

-

Mi ciel. V. mi

B. -

GÉOGR. "Partie de l'espace visible d'un point quelconque de la terre et formant au-dessus d'elle une sorte de voûte circonscrite par l'horizon" : Le orizon est un cercle qui devise et depart la partie du ciel que nous veons sur Terre de la partie que nous ne veons pas, pour ce qu'elle est soubz Terre. Le meridien est aussy (...) un cercle qui passe par les poles du monde et par dessus les testes des habitans en toutes regions. Ces deux cercles donc s'entrecopent et croissent devers midy et devers septentrion et pässent et partissent le ciel en quatre egaulx parties. (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 20).

II. -

RELIG. "Séjour de Dieu, des êtres surnaturels et des bienheureux après la résurrection, symbole de l'éternel et du spirituel (p. oppos. à la terre et aux réalités terrestres)"

A. -

"Séjour de Dieu et des êtres surnaturels" : ...et [saint Paul] vit les secrez de paradis lesquelz ne puent estre dis par homme mortel, et ot vision pareille a ceulz qui desja sont en paradis, et comme les angels du ciel, selon pluseurs docteurs. (GERS., P. Paul, a.1394, 513). ...et, moyennant bonne voulenté, faictes, Sire, que en chascune terre tant de temporalité comme de l'espiritualité, tant en universel comme en singulier, la part et le don de bonne paix soit ottroyé par vous, qui estes Dieu benoit en eternité, auquel soit gloire es cielz la sus. Amen. (GERS., Noël, p.1404, 314). Le Saint Esperit fu donné deux fois aprez la resurrection : une fois en terre (...). Secondement fu donné du ciel aprez que Jhesu Crist fu montéz ez cieulz le jour de la Penthecouste (Somme abr., c.1477-1481, 120).

 

-

La reine des cieux. "La Vierge Marie" : ...avec la royne des cieux, nostre Dame, laquelle fut jadis ca jus en terre moult familiere a vous, saint Pierre. (GERS., P. Paul, a.1394, 484).

 

-

Le roi des cieux. "Dieu ou le Christ" : Glorieux Roy des cieulz la sus, en la benoite naissance duquel au jour d'uy fut faicte ceste belle parcon (GERS., Noël, p.1404, 314).

 

-

[En tant que lieu d'où vient le salut ou la damnation] : L'un disoit : "Vousist Dieu, o Dieu, par mon soubzhait, que tu rompises les cieulx, et que venisses !" L'autre : "Cuidez tu que jamais je le voie ? Cuides tu que je dure jusquez a sa venue ?" L'autre : "Rorate, celi, desuper etc. : O cieulx, degouttez vostre rousee d'en hault, et le juste descende des nues !..." (GERS., Annonc., a.1400, 229).

B. -

P. méton. "Dieu" : ...montoit en la VIIIe spere la semblance d'une femme vestue de rouge, en la seconde du Lion monte la forme d'un homme couronné, tendant les mains vers hault, comme demandant aide au ciel (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 13 v°).

 

-

Le feu du ciel. "La colère de Dieu" : Et les cinq cités pecheressez en vindrent a perdition par feu du ciel (GERS., Annonc., a.1400, 236).

 

-

Le royaume des cieux. "Le royaume de Dieu, son règne en ce monde et au delà" : Dit Ihesucrist : le royaume des cieux est dedens vous, cest a dire selon Richart de saint Victor que dedens nous y a matiere de congnoistre le royaume des cieulx. (CIB., p.1451, 195).

C. -

Ciel empyrée, ciel empireum. "Partie suprême, immobile et ignée du ciel ; séjour de Dieu et des bienheureux" : C'est celli Aigle volant qui en la Cene de Messias dormi sur sa poitrine et qui vola si hault que jusques au ciel empireum la ou il aprist, "In principio erat verbum" (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. W., c.1384-1389, 165). Sans faille, encore avec les .ix. esperes dessus dictes les theologiens, qui sont apris et enseigniez de Cellui qui crea les cieulx, mettent un autre ciel qu'ilz appellent le ciel empireum, c'est a dire le ciel qui est aussy comme de nature de feu, non mie pour ardeur qui soit en lui, maiz pour sa luminosité et sa grant resplendeur (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 11).

D. -

SPIRITUALITÉ

 

1.

[Dans la tradition ascétique et dans le courant victorin] Premier, second, tiers ciel. "Degré par lequel l'âme s'élève à la connaissance de Dieu" : En ceste ymaginatiue est vne partie ou vng degre de contemplacion quant on se conuertit a mediter et a considerer les merueilleuses choses qui sont es creatures de Dieu... Et cest le premier ciel ou len monte par contemplacion. Le second ciel est en raison. Le tiers ciel est en lintelligence. Ce premier ciel qui est en lymaginacion est bien gros et bien materiel au regart des deux autres qui sont par dessus pour ce quil est de similitudes et fantosmes des choses grosses et materielles. (CIB., p.1451, 214).

 

2.

Tiers ciel. "Vision intellectuelle des choses transcendantes, plus élevée que la vision corporelle et imaginative" : Le tiers ciel est en lintelligence. Ce premier ciel qui est en lymaginacion est bien gros et bien materiel au regart des deux autres qui sont par dessus (CIB., p.1451, 214).

 

-

Estre ravi jusques au tiers ciel : ...souvent le vit [Dieu] et bien clerement quant il fut ravis jusques au tiers ciel et vit les secrez de paradis lesquelz ne puent estre dis par homme mortel, et ot vision pareille a ceulz qui desja sont en paradis (GERS., P. Paul, a.1394, 513). On congnoist Dieu par dedens et par dehors. Par dedens en deux manieres : par inspiration divine, et ce est donné a pou de gens desquelz estoit l'Apostle, quant il dist en l'epistle a ceulz de CHORINTHE en la seconde ou XIJ. chapitle : "Je scay homme ravy jusques au tiers ciel" et cet. (Somme abr., c.1477-1481, 135).

E. -

[En tant qu'élément de la création divine] : J'ay cerché par mer et par terre, par l'air et par le ciel, et ay demandé a la terre se elle estoit mon Dieu : elle respond que non. J'ay demandé a la mer s'elle estoit mon Dieu : elle respond que non. J'ay demandé a l'air, au ciel, au soloeil et aux estoilles se aucune de ces choses estoit mon Dieu : tout s'est escrié a haulte voix : "Dieu nous a faiz..." (GERS., Trin., 1402, 156).

 

-

Le ciel et la terre. "L'univers" : Pleni sunt celi et terra gloria tua ; chante nostre mere saincte Esglise que le ciel et la terre sont plains de la gloire de Dieu ? Je vous respons que c'est verité (GERS., Noël, p.1404, 299).

III. -

[Dans la lang. cour.]

A. -

[P. oppos. à terre ou à mer, en tant qu'élément physique] "Partie de l'espace" : ...pareillement avint en la nouvelle naissance de saint Pol, laquelle se feist en sa conversion, quant il fut aveuglé par dehors par la clarté soudaine du ciel, pour mieulx veoir au par dedans en l'ame (GERS., P. Paul, a.1394, 498).

 

-

Sous le ciel. "Sur terre, ici-bas" : "...Il est notoyre a tout le monde", dit le procureur, "que soubz le ciel ne se treuve plus digne ne plus juste forge de vostre dame et maistresse, Bonne Adventure, comme le saint parlement de Paris..." (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 480).

B. -

Au fig. [En tant qu'expression d'une grandeur ou d'une hauteur incommensurable] Plus haut que ciel : Qui compareroit la vertus et la proesse de ceulz que on appelle les preuz on trouveroit que en ceste vertus saint Pol les seurmonta voire plus hault que ciel de terre. (GERS., P. Paul, a.1394, 511).

C. -

[P. anal. de forme] "Ciel de lit, baldaquin"

 

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Plein ciel/demi ciel : Et quant aux paremens de la chambre du prince, il avoit sus son lit ung plain ciel ; mais les patrons, pers, ou conseilliers en sa presence n'avoient que demy ciel. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 543).
 

Littérature didactique Hiltrud Gerner


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