C.N.R.S.
 
Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

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     DIEU     
FEW III deus
DIEU, subst. masc.
[T-L : dieu ; GD : dieu ; GDC : dieu ; AND : deu1 ; DÉCT : dieu ; FEW III, 57a : deus]

A. -

[Dieu des chrétiens]

 

1.

[En empl. énonciatif] : Et, se Dieu vous donne du bien, departez en a voz compaignons selon ce que chascun en sera dignes. (ARRAS, c.1392-1393, 87). Or ay je perdu joye a tousjours mais. Or ay je perdu beauté, bonté, doulcour, amistié, sens, courtoisie, charité, humilité, toute ma joye, tout mon confort, toute m'esperance, tout mon eur, mon bien, mon pris, ma vaillance, car tant pou d'onneur que Dieu m'avoit prestee me venoit de vous, ma doulce amour. (ARRAS, c.1392-1393, 243). Sachiez qu'il n'a si grant pecheur ou monde que Dieu ne soit plus grant pardonneur et plus debonnaire, quant le pecheur se repent et lui crie mercy de bon cuer et de bonne voulenté. (ARRAS, c.1392-1393, 255). Beaulx filz, dist Remond, ce ne puis je faire, car je vueil ycy user ma vie, et prieray Dieu pour ta mere et pour moy, et aussi que Dieu te veulle admender. (ARRAS, c.1392-1393, 278). Et la puissance de Dieu y puet adjouster [à l'aspect spirituel] ce qu'il lui plaist, comme on raconte, en pluseurs histoires, de pluseurs faees, avoir esté mariees et avoir eu enfans. Comment ce se puet faire ne puet savoir humaine creature, car ces poins et autres a Dieu retenu en son secret, et en monstre les exemples es lieux et aux personnes ou il lui plaist. (ARRAS, c.1392-1393, 311).

 

-

Servir Dieu : ...cil conte Aymery fu grant pere de l'ayeul saint Guillaume, qui relenqui toute possession mondaine pour servir Dieu Nostre Createur, et se mist en l'ordre et religion des Blans Manteaulx. (ARRAS, c.1392-1393, 16).

 

-

Commander qqn à Dieu. "Le recommander à Dieu" : Sire, dist l'escuier, Dieu vous doint faire bon voyage par sa saincte grace, et a Dieu vous command. (ARRAS, c.1392-1393, 179).

 

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Se commander à Dieu : Et lors prist Gieffroy congié de son pere et de sa mere et entra en mer, et furent les voiles levez et se commanderent a Dieu, puis s'esquippent en la mer, et en pou de heure ot on perdu la veue d'eulx. (ARRAS, c.1392-1393, 213).

 

-

Croire en Dieu : Par foy, c'est grant dommage que ce Turc ne croit en Dieu, car il est moult preux. (ARRAS, c.1392-1393, 112).

 

-

Prier Dieu pour qqn : ...je vueil ycy user ma vie, et prieray Dieu pour ta mere et pour moy, et aussi que Dieu te veulle admender. (ARRAS, c.1392-1393, 278).

 

-

Prier à Dieu que : Et sachiez que je pensoye moult fort a un mien affaire qui moult me touche au cuer, et je prye a Dieu qu'il m'en aide a yssir. (ARRAS, c.1392-1393, 25).

 

-

Appeler Dieu en son aide : Par ma foy, sire, dist la dame, c'est bien dit, car en toutes choses doit on appeller Dieu en son aide. (ARRAS, c.1392-1393, 25).

 

-

Faire sa recommandation à Dieu que. V. recommandation

 

-

Estre de par Dieu. "Participer au monde de Dieu" : Et saiches que je scay bien que tu cuides que ce soit fantosme ou euvre dyabolique de mon fait et de mes paroles, mais je te certiffie que je suiz de par Dieu et croy en tout quanque vraye catholique doit croire. (ARRAS, c.1392-1393, 25).

 

-

Prov. : En pou de heure Dieu labeure. (ARRAS, c.1392-1393, 163). Et [les Sarrazins] avoient juré que ilz feroient le roy Uriien mourir en croix crucifié, et sa femme ardoir et ses enfans, mais, comme dit le saige : Fol pense et Dieu ordonne. (ARRAS, c.1392-1393, 213).

 

-

Dieu des chrestiens : Par Mahon, dist le soudant, ce n'est pas uns homs, mais est un mauffez ou c'est le dieu des crestiens qui cy est venus pour destruire nostre loy. (ARRAS, c.1392-1393, 232).

 

-

Subst. + de Dieu : David le prophete dit que les jugemens et punicions de Dieu sont comme abysme sans rive et sans fons, et n'est pas saige qui les cuide comprendre en son engin. (ARRAS, c.1392-1393, 2). ...je cuide qu'onques homme, se Adam non, n'ot parfaicte congnoissance des euvres invisibles de Dieu, pour quoy il ne puist de jour en jour prouffiter en science et oïr ou veoir chose qu'il ne puist croire estre veritables, lesquelles le sont. (ARRAS, c.1392-1393, 3). Mon amy, puis que je me sui mise si avant, il m'en fault attendre la voulenté de Dieu et moy confier en vostre promesse. (ARRAS, c.1392-1393, 42). Pour quoy, s'il vous semble bon, il me semble que il seroit bon pourveoir de remede aincois tost que tart, car l'estable est bien fermee a point avant que le cheval soit perdu. Et ceulx ont respondu : C'est verité. Mais nous n'y veons qui y puist remedier, sinon la puissance de Dieu. Non, par foy, dist cellui gentilz homs, sans la grace de Dieu ne puet on gaires faire, mais avecques ce se fait il bon aidier qui puet et qui scet. (ARRAS, c.1392-1393, 148). Combien que saint Pol die en l'epistre aux Rommains que toutes choses sont sceues par humaine nature, voire sans les secretes choses de Dieu, et qu'il a retenues en sa congnoissance, sans autre, la nature aux humains si est a entendre pluseurs hommes vacquans par universes contrees. Par ceulx sont sceues les choses, et sont toutes les choses sceues, non pas par un seulement, mais par pluseurs. (ARRAS, c.1392-1393, 311).

 

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Aller en la garde de Dieu : ...et nous en alons a vostre congié. Beaulx seigneurs, dist Remondin, alez en la garde de Dieu, qui vous conduise, et me vueilliez recommander au roy tres humblement. (ARRAS, c.1392-1393, 52).

 

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Creature de Dieu. V. creature

 

2.

Loc. ou expr. exclam. [Formules de prière, de souhait, de remerciement, d'insistance...] : Je ne scay qu'il advendra du surplus, mais veez la beau commencement et grant apparance de grans noblesces et de grant honneur. Dieux doint que la fin en soit bonne ! (ARRAS, c.1392-1393, 38). Et se vous faictes le contraire, vous et voz hoirs decherront petit a petit, et la terre que vous tendrez alors que vous ferez la faulte, se il est ainsi que vous le faciez, ce que Dieu ne veulle ja consentir, ne sera jamais tenue par nul de voz hoirs ensemble. (ARRAS, c.1392-1393, 42). Or gardez que vous ne me failliez de convenant, car vous seriez cellui qui plus y perdroit après moy. Dame, dist Remondin, de ce ne vous fault ja doubter, car a ce jour me faille Dieu que je vous fauldray de convenant a mon povoir. (ARRAS, c.1392-1393, 42). Sire, dist l'escuier, Dieu vous doint faire bon voyage par sa saincte grace, et a Dieu vous command. (ARRAS, c.1392-1393, 179).

 

-

Dieu y ait part. "Dieu en soit loué" : Et compterent a OEudon, leur frere, comment le roy d'Arragon et la royne vouldrent avoir Bernardon, son filz. Et cil respond : Dieux y ait part, je le tien a bien emploié. (ARRAS, c.1392-1393, 293).

 

-

Pleust à Dieu que : Pleust a Dieu que le roy ne s'en deust courroucier, et je l'eusse occiz, car il [Jossellins de Pont le Leon] tient l'eritaige qui fu de mon oncle, que nous deussions avoir. (ARRAS, c.1392-1393, 55).

 

-

Si Dieu plaist : A cestuy parler estes vous venu Remondin, qui s'enclina devant le conte et le remercia de l'onneur et de la courtoisie qu'il lui avoit faicte. Par foy, Remondin, dist le conte, c'est petit de chose ; mais, se Dieu plaist, je vous feray mieulx. (ARRAS, c.1392-1393, 34).

 

-

Au plaisir de Dieu : Et ces termes je vous met avant pour les merveilles qui sont en l'ystoire de quoy je vous pense a traictier, au plaisir de Dieu, mon Createur, et au command de mon dessuz dit tres puissant et noble seigneur. (ARRAS, c.1392-1393, 3). Non contrestant, la voulenté de Dieu soit faicte, car nous partirons, au plaisir de Dieu, de cy demain, aprez le service, pour lui [le soudant] aler visiter. (ARRAS, c.1392-1393, 94).

 

-

La volonté de Dieu soit faite : Non contrestant, la voulenté de Dieu soit faicte, car nous partirons, au plaisir de Dieu, de cy demain, aprez le service, pour lui [le soudant] aler visiter. (ARRAS, c.1392-1393, 94).

 

-

Dieu devant. V. devant1

 

-

À l'aide de Dieu : Alons nous en tout constrant l'ost, sans eulx meffaire, et alons assaillir ceulx qui assaillent la ville, et je croy que, a l'aide de Dieu, ilz ne se pourront tenir contre nous. (ARRAS, c.1392-1393, 111).

 

-

Si Dieu leur donne vie : ...les enfans ne povoient faillir, se Dieu leur donnoit vie, de venir a grant perfection de bien et de tres haute honneur. (ARRAS, c.1392-1393, 156).

 

-

Honni soit il de Dieu : Avant, seigneurs bacheliers, veez la Gieffroy qui se combat tous seulz a la gent Mahommet. Qui ore ne lui aidera, honny soit il de Dieu ! (ARRAS, c.1392-1393, 232).

 

-

Estre de Dieu maudit. V. maudire

 

-

(C'est) Dieu merci. V. merci

 

3.

Interj. et loc. interj.

 

a)

[Pour renforcer l'expression d'émotions et de sentiments]

 

-

Pour Dieu : Et pour tant, m'emerveil je de quel part si belle ne si gracieuse creature que ly corps de vous est, puet estre cy venue, si seule de compaignie. Et pour Dieu, pardonnez moy, car je fay grant oultraige de l'enquerre, mais le grant desir de le savoir me fait faire cel oultraige. (ARRAS, c.1392-1393, 7). Et lors lui respondy la pucelle : Tres chier oncle, je n'ay plus de confort ne de conseil que vous. Si vous requier, pour Dieu et pour pitié, que vous y veulliez pourveoir de remede, car il est bien vray qu'a vous je doy obeir plus que a personne du monde, et ainsi le vueil je faire. (ARRAS, c.1392-1393, 188).

 

-

Par Dieu : Et elle [Mélusine], qui bien apperceut que il estoit tous honteux de ce qu'elle savoit tant de son estat, lui dist : Par Dieu, Remondin, je suiz, aprez Dieu, celle qui te puet plus aidier et avancier en ce mortel monde, en tes adversitez, et ton malefice revertir en bien. Rien ne te vault le celer. (ARRAS, c.1392-1393, 25). Et lors s'armerent et se presenterent a Gieffroy et lui dirent qu'ilz lui aideroient a destruire ses ennemis. Par Dieu, seigneurs, dist Gieffroy, vous estes bonnes gens et loyaulx, et je vous mercie de vostre bonne voulenté, mais il n'est besoing quant a present, car j'ay assez gens sans vous traveillier pour acomplir mon affaire, au plaisir de Dieu. (ARRAS, c.1392-1393, 197).

 

-

De par Dieu : Et dist ly varlez a la dame : Ma dame, il est temps de venir quant il vous plaira, car tout est prest. Et celle dist : De par Dieu. Puis a dit au roy : Sire chevaliers, a vostre congié et grans mercis de vostre courtoisie. (ARRAS, c.1392-1393, 7).

 

-

Vrai Dieu : Vray Dieu, se cilz nobles homs avoit prins nostre damoiselle pour moillier, bien nous yroit, nous n'aurions mais doubte de payens, ne d'omme qui nous voulzist mal. (ARRAS, c.1392-1393, 119).

 

-

En/ou nom Dieu. "Au nom du Seigneur" : Damoisiaux, nous sommes moult courrouciez de vostre dommage et de vostre honteuse perte, quant serez desherité de si noble pays comme est Bretaigne. Et il leur respondy : Comment se pourroit ce faire ? Ja n'a le roy plus de hoirs que moy. En non Dieu, dist Jossellins que je voy la, sachiez qu'il a fait son hoir de Hervy de Leon, et croy qu'il l'ait enchanté, et les barons du pays aussi, car les lettres en sont ja passees, et y pendent leurs seaulx avec le seel du roy. (ARRAS, c.1392-1393, 57). Lors ot le roy grant joye, et se dreca en son seant, et print l'espee par la poingnie que Uriiens lui tendoit et lui donna la collee en disant : Ou nom de Dieu, chevalier soiez, qui vous ottroit amendement. Et puis lui baille l'espee. (ARRAS, c.1392-1393, 119).

 

b)

[Dans les invectives, les jurons] Jurer Dieu que. "Faire le serment que" : Et scot comment le seigneur de la terre estoit trespassez, et ne lui estoit demouré que une fille, laquelle estoit moult bonne et tant belle qu'a merveilles. Le roy la fist demander pour femme. Mais la pucelle ne s'y voult accorder. De quoy le roy fu moult doulens, et jura Dieu que, se il povoit, que il l'auroit, comment qu'il feust. Lors fist son mandement et deffia la pucelle et tous ses aidans. (ARRAS, c.1392-1393, 147).

 

-

Jurer la dent Dieu que. V. dent

B. -

[Dieu(x) des Sarrasins (assimilés à des païens)]

 

-

Au sing. [En parlant de Mahon (Mahomet)] : Et saiches que je ne feusse pas si liez qui me eust donné cent mille besans d'or que de toy avoir trouvé si a mon aise. Car tu ne me pues eschapper. Je te deffy de par Mahon, mon dieu. Par mon chief, dist Gieffroy, toy ne ton dieu ne prise pas un chief d'ail pourry. Car ja me trouveras de plus prez a ta pute estraine, se Dieu plaist. (ARRAS, c.1392-1393, 231).

 

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Au plur. : La leur oïst on souvent reclamer leurs dieux. (ARRAS, c.1392-1393, 129).

 

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P. ext. Dire par ses bons dieux que. "Jurer ses grands dieux que" : Lors fait Geffroy les mors gecter en la mer, et advise la ville, qui fu forte a merveilles, et le chastel qui siet sur la mer, et le beau cloz garni de grosses tours pour mettre le navire. Lors dist par ses bons dieux que cestui port vouldroit il retenir pour lui, et y laissa VIJxx. arbalestriers et IJc. hommes d'armes de ses gens, et y sejourna toute celle nuit. (ARRAS, c.1392-1393, 225).

 

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Jurer ses dieux que : Selodus (...) jura ses dieux que tous seroient ars en pouldre. (ARRAS, c.1392-1393, 181).

C. -

P. exag. "Être humain admiré pour sa valeur, ses qualités"

 

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[En parlant d'un valeureux combattant] Dieu d'armes. V. arme
 

Arras Jocelyne Bernardoff / Jean-Loup Ringenbach

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