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téterelle, subst. fém.

Étymologie
Histoire :
A. « tire‑lait ; petit appareil dans lequel on aspire le lait par l'intermédiaire d'un tube de caoutchouc après l'avoir appliqué sur le sein et que l'on utilise pour l'allaitement artificiel ». Attesté depuis 1809 (AnnScAr, année 1809, deuxième partie, page 220 : Téterelle mammiforme destinée à l’allaitement artificiel des enfans. Par M. Petit. Cette téterelle a la forme, la douceur et la chaleur du sein maternel ; la mère peut lui donner l’attitude dans laquelle elle présente la mamelle à l’enfant. Le double vase de M. Petit est à mamelons ; ce sont de vraies mamelles artificielles que la femme suspend à son cou, au moyen d’un ruban passé dans deux anneaux. L’on fait cette téterelle en argent, en étain ou en fer‑blanc. [Compte rendu des travaux de l’Académie de Lyon, pendant 1809]1 ). Cf. encore : Journal de Lyon du 8 décembre 1810, page 2 : A la vérité on connaît plusieurs moyens de prévenir ces accidens : ces moyens consistent les uns à alonger le mamelon d’avance par la succion pratiquée avec la bouche ou avec les différens appareils pneumatiques connus sous le nom de téterelles, pompes à sein, ventouses, etc. ; Richard de Nancy, Traité pratique des maladies des enfants, 1839, page 128 : l’enfant prenait sa nourriture dans une téterelle à pompe ; AnnGyn, tome 8, 1877, pages 77‑78 : le petit tire‑lait ou téterelle commune [Selon une illustration qui accompagne cet écrit, la téterelle commune est constituée de trois parties : un « bout‑de‑sein » appliqué au sein, un tube de caoutchouc et une tétine pour l’enfant] ; Potel, De l'acroissement, 1895, page 15 : Nous croyons que l’on pourrait sans inconvénient faire téter les enfants syphilitiques par l'intermédiaire d’une téterelle, mais il faudrait pour cela une surveillance très étroite ; […] ; Marfan, Allaitement, 1920, page 338 : Les inconvénients de cette téterelle sont le fonctionnement défectueux de la soupape et les soins minutieux de propreté qu’elle exige, à cause des tubes en caoutchouc. - 
B. « bout‑de‑sein, partie du tire‑lait appliquée au sein ». Attesté depuis 1944 (Lamaze, Au seuil de la vie, page 13 : Malformation du sein. On peut cependant y remédier à l’aide d’un bout de sein ou téterelle; […] ; Gynaecologia, tome 143, 1957, page 238 : la stérilisation de la téterelle et du tuyau de la pompe à lait ; Camus, L'allaitement, 2017, page 190 : La téterelle doit être adaptée à la taille du mamelon de la maman. Il existe 5 tailles de téterelle. Lorsque la téterelle est posée sur le mamelon, ce dernier doit être centré et bougé [sic] librement). - 

Origine :
A. Transfert linguistique : calque du franco-provençal téterelle subst. fém., amplement attesté dans FEW 17, 336b pour l’occitan et le franco‑provençal (Provence, Lozère, Velay, Dauphiné, Bresse) sous les formes tetarello et téterelle ; cf. encore Achard, Dictionnaire, 1785, t. 2, p. 609 : tetarèllo s.f. têteuse, femme qui tête les femmes que le lait incommode. On donne aussi ce mot à une sorte de syphon ou tuyau recourbé qui sert à tirer le lait des femmes. Tetarèllo est aussi un syphon dont les enfants se servent pour boire de la limonade ou du jus de reglisse ; Avril, Dictionnaire, 1839, s.v. : tetarello. s.f. Biberon. Siphon pour les enfans. Espèce de tétine par le moyen de laquelle on donne du lait à un enfant privé de nourrice. […] ; Mistral s.v. : tetarello, tetairo (l.), s.f. […] ; instrument propre à téter, v. canto-plouro, mameliero, pouparello; […] tetarello d’argènt, bout de sein en argent. Jeannet, Glossaire, 1996, p. 193, atteste teterelle pour Bourbon‑Lancy en 1780 et pour St‑Germain‑du‑Bois en 1804, localités situées en Saône‑et‑Loire. La forme téterelle ‘biberon’ est attestée aussi pour le patois franco‑provençal de Louhans dans la Bresse, région située au nord de Lyon. On apprend dans Wikipedia que la mère du chirurgien lyonnais Marc‑Antoine Petit (1766‑1811), l’inventeur du tire‑lait appelé téterelle mammiforme (cf. l’exemple sous A), était originaire de Louhans. Il est donc tout‑à‑fait probable que Petit ait appris le mot de ce côté‑là. Il est difficile de savoir si téterelle désignait seulement un biberon ou aussi un tire‑lait dans le patois, ou si l’extension sémantique a été due à Petit. Les tire‑lait, de toute façon, sont connus depuis l'Antiquité sous différentes formes, et nous venons de voir que l'acception 'tire‑lait' est déjà attestée pour tetarèllo en 1785 ; elle l'est aussi pour téterolle, traité ci‑après, dès 1777. — FEW 17, 336b atteste téterolle ‘biberon’ dans les patois du centre de la France (de la Touraine au Berry), mais aussi dans la Saintonge. Ce mot, qui n’est plus attesté dans les dictionnaires de la langue générale, semble avoir eu une diffusion non négligeable dans le passé, cf. Caspar van den Ende, Le Gazophylace de la langue François et Flamende, etc. Rotterdam : Naeran 1654, s.v. : Tetterolle, ou tetterolle d’enfant, f. succeron, m. Melk. tuysje daar uyt de kinders zuygen ; Duez 1662 s.v. : Tetterolle fiaschetto da bambino, e vasetto da fanciullo ; Duez 1664 s.v. : Succeron d’enfant, m. ou une tutterolle, & tetterole, Ein kindermämlein/ oder tüttlein ein mämlein von holz oder zinn daraus ein kind saugt ; Johann Rädlein, Europäischer Sprach-Schatz … Leipzig : Braun 1711, s.v. : Ludel/ f. Kinderludel / tettaruola, cioccia, sucerole, tetterole ou tuterole ; Oudin 1720 s.v. : Tetterole, f. Buberon, suceron d’un enfant dans lequel il boit. Vasetto da bambino ; La feuille sans titre Nº 128, 8 Juin 1777, page 511 : Le Sieur Cousin, Expert pour les Hernies, reçu à S. Côme, vient d’imaginer des Tetteroles extrêmement commodes, pour les meres qui veulent nourrir, et pour celles qui veulent perdre leur lait. […] On a imaginé à cet effet des Tetteroles de verre, mais en voulant parer à un inconvénient, il en résulte d’autres, la hauteur de ces Tetteroles, leur épaisseur, leur peu de contenance, la difficulté de les assujettir, et la crainte enfin qu’elles ne viennent à se briser sur le sein. C’est pour obvier à toutes ces difficultés que le Sieur Cousin, Artiste très‑ingénieux, en a fait construire en argent, commodes, légeres, s’adaptant juste au mammelon, et faciles à contenir, moyennant un anneau, auquel s’attache un ruban qui passe autour du col ; […] ; La Tourette, Art des accouchements, tome 1, 1787, page 167 : On fait teter l’enfant tant qu’il veut ou qu’il peut teter ; mais comme son tetement ne suffira pas à l’entier dégorgement, l’accouchée se fera teter par un autre enfant, ou par une grande personne ; elle pourra encore se teter elle‑même, par le moyen d’un pipeau, vulgairement appelé teterole ; Hurtrel d'Arboval, Dictionnaire de médecine, tome 1, 1826, page 19 : Quelques brebis font deux agneaux ; si elles sont grasses, si leurs mamelles son bien remplies, si la saison commence à être bonne pour les pâturages, on peut leur laisser les deux petits à nourrir ; mais, dans les circonstances opposées, il faut leur en ôter un, qu’on donne soit à une autre mère qui a perdu son agneau, soit à une chèvre, ou bien qu’on élève à la tetterole, s'il en vaut la peine ; Flore des serres et des jardins de l'Europe, tome 8, Gand : van Houtte, 1852‑1853, page 18 : […] un vase de verre, dont la forme et le long col rappellent les biberons ou tetteroles en usage pour l’allaitement artificiel des enfants, […]. Tetterole rappelle tettaruola et tettarola, mots attestés dans les dialectes de l’Italie du nord : Krämer, Dictionarium, 1678, s.v. : Ludel /f. Tettaruola, Cioccia ; Vocabolario veneziano e padovano co’ termini e modi corrispondenti toscani, 2° ed. Padova : Conzatti 1796, s.v. : Tetarola. Poppatoio. Stromento per trarre il latte dalle poppe delle donne ; Dizionario ostetrico … Milano: Pirola 1833, s.v. tetta. […] e tettarola chiamiamo un vaso di vetro, o di majolica, che serve ad estrarre il latte dalle mammelle distese della nutrice ; Azzolini, Vocabolario, 1856, s.v. : tettarola. v. tettarol. tettarol, sost. poppatoio. Le suffixe -erole est aussi marginal en français que -erelle (cf. Nyrop, tome 3, 1936, §§ 391, 397). Vu ce fait, on pourrait être amené à penser que téterole aurait été calqué sur tettarola, régulièrement formé selon la formation des mots des dialectes de l'Italie du nord. Mais les circonstances historiques, qui pourraient avoir favorisé un tel transfert linguistique, ne sont pas faciles à imaginer. Sur -erole comme issue régulière du lat. -ariola dans une partie des dialectes français, cf. Wolf, H. J., "Non‑diphtongaison de ŏ [en français]", in : Aina Moll (éd.), Actes del XVI Congrés Internacional de Lingüística I Filologia Romàniques. Tom II, Palma de Mallorca : Editorial Moll 1985, pp. 25‑36 (spécialement pp. 28‑29). Cf. von Wartburg in FEW 17, 336b, *titta I1b.
B. Formation française : issu par évolution sémantique de l'acception A. « tire‑lait ». Le nom pour l'appareil entier est transféré à sa partie la plus saillante ; cf. déjà l'exemple provençal de Mistral. Dans beaucoup de contextes, la référence reste ambiguë, ce qui a sans doute facilité le changement métonymique. À ajouter FEW 17, 336b, *titta I1b.

 
1   On apprend dans David, Académie des sciences, 2000, page 117, que cette invention fut présentée par Marc Antoine Petit à ses confrères de l’Académie lyonnaise le 29 novembre 1808. — Les tire‑lait, qui sont connus depuis l’Antiquité, ont connu des réalisations technologiques diverses à travers les âges ; cf. Obladen, Michael “Guttus, tiralatte and téterelle: a history of breast pumps”, Journal of Perinatal Medicine 40, 2012, 669‑675. DOI:10.1515/jpm‑2012‑0120. À noter que l'assertion de cet auteur que le mot italien tiralatte aurait déjà été utilisé en 1577 est fausse. En réalité le mot italien a été calqué sur le français au 19e siècle ; rainer, LN 81, 174.


Rédaction TLF 1994 : Équipe diachronique du TLF. - Mise à jour 2020 : Franz Rainer. - Relecture mise à jour 2020 : Jean-Paul Chauveau ; Nadine Steinfeld ; May Plouzeau.


Première mise en ligne : 14 avril 2022. - Dernière révision : 31 mai 2022. - Mise en ligne : 02 juin 2022.

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