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passerelle, subst. fém.

Étymologie
Histoire :
A. « sorte de pont étroit qui ne sert qu’aux piétons ». Attesté depuis 1802 [Drôme, domaine occitan] (BullLoisRépubFr, 3e série, tome septième, contenant les Lois et Arrêtés rendus pendant le 1er semestre de l’an XI, page 641, Nº 260, loi Nº 2506 : LOI qui autorise le maire de Grand‑Serre, département de la Drôme, à aliéner un bâtiment communal, pour en employer le prix, conjointement avec le produit d'une imposition extraordinaire en centimes additionnels aux contributions foncière, mobiliaire et somptuaire, à acquitter les frais de reconstruction de deux passarelles sur la rivière de Galaure. [Du 24 Ventôse]). Cf. encore : Journal de l’Empire du 30 mai 1811, page 4 : Vey, 26 mai. LL. MM. sont arrivées ici aujourd’hui à neuf heures du matin. La marée, déjà très haute, étoit sur le point de couvrir le pont provisoire qui est établi. L’EMPEREUR a fait défiler devant lui tous les équipages, et a traversé ensuite à pied, avec S. M. l’Impératrice et toute la cour, la passerelle élevée de 15 à 20 pieds au‑dessus du niveau du pont de service, qui fut envahi un instant après par la marée1 ; Macarel, Recueil, Année 1826, tome 8, Table alphabétique et raisonnée, page xiv, s.v. cours d'eau : (Ponts et passerelles, Compétence). Un préfet est compétent pour autoriser, sous l’approbation du Ministère de l’intérieur, et sur une rivière qui n’est ni navigable ni flottable, la construction de ponts et passerelles ; Villiers du Terrage, Description du canal, 1826, page 27 : On ne devait, primitivement, construire dans cet emplacement qu’une simple passerelle pour les piétons ; Ladoucette, Hautes Alpes, 1834, page 215 : La Sevraisse, qui limite son territoire à l’est, n’offre qu’une mauvaise passerelle emportée à chaque crue d’eau. Ce passage intéresse néanmoins plusieurs communes qui pourraient contribuer aux frais d'un pont. - 
B. Par extension « construction technique permettant de passer de A à B ». Attesté depuis 1838 (Compagnie du canal de Roanne à Digoin, Règlement, page 124 [écluses] : Le passage sur les passerelles des portes d'écluses est interdit au public, ces passerelles étant à l'usage seulement des éclusiers pour la manœuvre des vannes, et des mariniers ou patrons des bateaux). Cf. encore : [armée de terre] Aide-Mémoire à l'usage des officiers d'artillerie, 1844, page 493 : Sur des torrents ou ruisseaux peu profonds, on peut établir une passerelle pour l'infanterie au moyen des haquets2 ; [chemins de fer] Bescherelle2, 1845, s.v. : L'exécution des chemins de fer, en nécessitant la traversée des propriétés importantes, amène souvent la construction de passerelles destinées à maintenir des communications entre les deux parties d'une propriété ; RevGénChFer, tome 7/2, 1884, page 47 : Il a réclamé aussi l'établissement de passerelles et de passages souterrains dans les stations très fréquentées ; Génie Civil, tome 26, 1895, page 151 : Les deux voitures d'un même train sont réunies par une passerelle permettant au contrôleur de circuler de l'une à l'autre ; [navires] Flaubert, Correspondance, 1850, page 222, TLF : Le capitaine sur la passerelle donnait des commandements ; [chaussées] Landais11, 1851, s.v. passerelle : Ce mot est fort usité à Paris, où plusieurs passerelles ont été établies ; Cosmos, Les Mondes, tome 46, mai‑août 1878, page 224 : Passerelles sur les boulevards. — Un projet est actuellement à l’étude pour l’établissement de passerelles sur les points les plus fréquentés des boulevards où la circulation des piétons est toujours difficile, sinon dangereuse ; [théâtre] Journal pour tous, Nº 327 (27 novembre 1860), page 224 : DECORATION MECANIQUE DES THEATRES. […] Les rideaux peuvent être facilement avancés ou reculés, la herse déplacée, et une passerelle de service destinée à faciliter aux machinistes du cintre leurs transports de la cour aux jardins et réciproquement, éloignée ou ramenée en avant ; [navigation, aviation] Deslys, Récits, 1885, page 111 : Et, comme on allait retirer la passerelle, il le repoussa vivement sur le quai. Un quart d'heure plus tard, le paquebot était en pleine mer, et la carriole remontait la côte ; Cahiers du cinéma, nos 226 à 235 (1971), page 67 : le héros est en train de gravir les marches d'une passerelle d'avion. - 
C. Par métaphore « moyen de passer de A à B ». Attesté depuis 1892 (Renard, Écornifleur, page 45, TLF : Entre un homme et une femme, l'amitié ne peut être que la passerelle qui mène à l'amour !). J. instit. instit., tome 105, 1958, page 44 : on a donc décidé la création de classes passerelles. - 

Origine :
A. Transfert linguistique : calque de l'occitan pasarela, pasarelo, pasarello, passarello subst. fém., « passerelle ; planche à passer un ruisseau » (Mistral, s.v.). Mistral illustre ce mot avec une citation de Lafare‑Alais (1791‑1846), poète auteur d’un dictionnaire languedocien non publié : « La plus mondèsto [sic] passarello ». Le mot est attesté aussi dans le dialecte occitan du Piémont, cf. Pons, Dizionario,1997, s.v. Pasarèllo, s.f. passerella, piccolo ponte costituito da una o da poche assi, che permette ai pedoni di varcare le acque di un torrente. Il se trouve également attesté dans la région dans un toponyme, preuve d'ancienneté, cf. Bracebridge, Valdenses, 1827, page 321 : The Col de Julien thus taken, the Vaudois pushed on to a place called Les Passarelles de Julien, where they killed thirty‑one more soldiers and three horses […]. FEW 7, 716b le documente en outre, dans la section dédiée aux dérivés, pour Barcelonnette (Alpes maritimes) et St‑Didier‑de‑la‑Tour (Isère). Ce qui nous incline à penser que c’est le français qui a calqué l’occitan et non l’inverse, c’est qu’il n’y avait pas en français de modèle plausible pour un nom d’instrument ou de lieu en -erelle, tandis que le suffixe féminin -arello est productif en occitan et a servi aussi occasionnellement pour former des noms d’instrument et de lieu. Avril, Dictionnaire,1839, par exemple, contient cagarello ‘latrine’ et tetarello ‘biberon’. Le fait que le premier exemple de 1802, qui fait référence à la Drôme et à la langue d'oc, présente un -a- au lieu d’un -e- nous semble appuyer aussi l’hypothèse d’une origine occitane. Pendant les premières décennies de sa vie, le mot a été employé surtout par les employés des Ponts et Chaussées, qui peuvent très bien avoir adopté le mot sur le terrain. Le mot n'a pas encore été identifié comme occitanisme, ni dans les dictionnaires étymologiques ni dans Gebhardt, Das Okzitanische Lehngut, l'étude la plus complète qui existe à ce jour sur les occitanismes du français. — Le mot passerelle s’est utilisé aussi en français avec le sens de ‘femelle du passereau’. Il est rangé par Pougens, Archéologie, 1821, s.v. parmi les « mots anciens tombés en désuétude ». Pour des raisons sémantiques, il est à exclure que la passerelle‑pont puisse avoir été due à une extension sémantique à partir de la passerelle‑oiseau. — Cf. von Wartburg in FEW 7, 716b, *passare 2, qui considère, à tort, le mot comme un dérivé de passer.
B./C . Formation française : issu par évolution sémantique du sens A. Le mot s'est diffusé en français par les travaux publics à en juger d'après les commentaires que fournissent les dictionnaires Bescherelle2 (1845) et Landais11 (1851), cités ci‑dessus B. L’extension est graduelle dans les exemples de B., métaphorique dans les exemples de C. À ajouter FEW 7, 716b, *passare 2.

 
1    Ce texte fut repris par le Regensburger politische Zeitung, Nº 89, 8 juin 1811, page 362 (la Bavière était à l'époque l'alliée de Napoléon). Le journal de Ratisbonne ajoute même le mot français passerelle après la traduction Nothbrücke : « […] über die 15 Fuß über der eigentlichen Brücke errichtete Nothbrücke (Passerelle) ». Cela veut dire que le mot était un néologisme pour le traducteur. C’est peut‑être dans cette source que Schwan 1810,s.v., a puisé le mot pour l’entrée suivante : « Passerelle, s.f. die Nothbrücke ; eine bloß für den augenblicklichen Behelf dienende Brücke ».
2   Cet exemple pourrait aussi être classé sous A.


Rédaction TLF 1986 : Équipe diachronique du TLF. - Mise à jour 2020 : Franz Rainer. - Relecture mise à jour 2020 : Jean-Paul Chauveau ; Nadine Steinfeld ; May Plouzeau.


Première mise en ligne : 14 avril 2022. - Dernière révision : 31 mai 2022. - Mise en ligne : 01 juin 2022.

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