C.N.R.S.
 
Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

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     ÂME     
FEW XXIV anima
AME, subst. fém.
[AND : alme ; DÉCT : ame ]

I. -

"Âme"

A. -

"Principe spirituel de l'homme, séparable du corps et immortel"

 

1.

[En tant que principe immortel qui survit après la mort] : Que j'aim, vueil, desir, quier et sauve, Com celle que je vueil sauver Tant com m'ame qu'ay a sauver. (MACH., R. Fort., c.1341, 137). Si en morras de mort seconde, Car l'ame et le cors perderas Et l'avoir : einsi fineras. (MACH., C. ami, 1357, 33). ...le triste palais D'enfer ou mainte ame dolente Pleure, souspire et se demente. (MACH., C. ami, 1357, 81).

 

2.

[En tant que principe de l'affectivité, de la sensibilité] : Si vueil user toute ma vie en plours Et tant plourer que m'arme soit noïe En mon plourer (MACH., L. dames, 1377, 201).

 

3.

Loc.

 

a)

[Dans des formules optatives]

 

-

À qui Dieus gart l'onneur et l'ame : ...une dame A qui Dieux gart l'onneur et l'ame, Car trop de bien en oy dire (MACH., F. am., c.1361, 184).

 

-

Dont Dieus ait l'ame (en sa compaigne) : ...le bon Roy de Behaingne, Dont Dieus ait l'ame en sa compaigne ! (MACH., F. am., c.1361, 148). Li roys Jehans, dont Dieus ait l'ame (MACH., P. Alex., p.1369, 24). Fils fu dou bon roy de Behaingne, Dont Dieus ait l'ame en sa compaingne (MACH., P. Alex., p.1369, 33).

 

-

Dont l'ame soit en paradis : ...li preudons de jadis, Dont l'ame soit en paradis, Qui fu de vaillance gringnour Que ne fu puis autre signour (MACH., D. Lyon, 1342, 220).

 

-

Que Dieus gart en corps et en ame : Or vueil commencier ma matiere Pour ma tresdouce dame chiere, Que Dieus gart en corps et en ame De villenie et de diffame (MACH., Voir, 1364, 42). En ce royaume ha une dame, Que Dieus gart en corps et en ame, Gente, juene, jolie et jointe (MACH., Voir, 1364, 46).

 

b)

[Dans des formules de serment]

 

-

En l'ame de moy : ...je vous mercy [des chansons] tant doucement comme je puis ; et en l'ame de moi elles sont toutes si bonnes, et me plaisent tant (MACH., Voir, 1364, 138). Si vous jur en l'ame de moy qu'il n'est eure, en quelque estat que je soie, que il ne me soit avis que je vous v[e]oie devant moi et que il ne me souviengne de vostre maniere et de tous vos dis et vos fais (MACH., Voir, 1364, 372).

 

-

Foy que doy m'ame : Dame, dist cils, foy que doy m'ame, C'est la Guillaumes de Machaut. (MACH., J. R. Nav., 1349, 156). Je vous respons, ma chiere dame, Par la foy que doy Dieu et m'ame (MACH., J. R. Nav., 1349, 190).

 

-

Foy que doy l'ame de mi : Car, foy que doy l'ame de mi, On en voit assez meschëoir. Et tu le pues assez vëoir (MACH., C. ami, 1357, 123).

 

-

Jurer son corps et s'ame/sa foi et s'ame : ...pluseurs hommes y venoient Qui juroient et parjuroient Aus dames leurs fois et leur ame Qu'il les amoient sans nul blame (MACH., D. Lyon, 1342, 192). Et me jura son corps et s'ame Que dit toute s'entention Li avoit en confession (MACH., Voir, 1364, 742).

 

-

Par m'ame. "Sur mon âme" : Et, par m'ame, pas ne l'ay desservi. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 116). Dont, par m'ame, j'ay grant pité. (MACH., D. Lyon, 1342, 229).

 

-

Par l'ame de mi : Et je croy, par l'ame de my, Qu'en tous les cas que vous porries, M'onneur et moy garder vorries (MACH., P. Alex., p.1369, 263).

 

-

Chargier sur l'ame de qqn : Et tout ce que je li ai dit, je li ai dit en confession et chargié sur l'a(r)me de li que jamais ne soit dit a nulle personne que a vous (MACH., Voir, 1364, 746).

B. -

Loc.

 

1.

Loc. adv.

 

-

De cuer et d'ame. "Du plus profond de l'être" : Susenne avoit a non la dame, Qui Dieu doubta de cuer et d'ame. (MACH., C. ami, 1357, 4).

 

-

(Amer) de corps et d'ame. "(Aimer) de tout l'être, totalement" : ...ma trés douce chiere dame Que j'aim de cuer, de corps et d'ame. (MACH., D. Lyon, 1342, 170). Tout autel seroit il de dame Qui ameroit de corps et d'ame Son amy, et il li aussi. (MACH., D. Aler., a.1349, 366).

 

2.

Le cuer et l'ame. "Le plus profond de l'être" : Si vous dirai la maladie Qui me perse le cuer et l'ame : J'aimme par amours une dame (MACH., F. am., c.1361, 194).

 

3.

Loc. verb.

 

-

Rendre l'ame. "Mourir" : "Hé ! douce mere, je m'en vois. A Dieu vous commant, douce dame !" Et droit a ce point rendi l'ame. (MACH., J. R. Nav., 1349, 206).

 

-

Rendre s'ame et son corps. "Mourir" : Quant Susanne les entendi, S'ame et son corps a Dieu rendi (MACH., C. ami, 1357, 7).

II. -

P. méton. "Personne" : Ne cure n'ay par nul tour Des yeux Argus ne de joie gringnour, Car pour plaisance et sanz ayde d'ame Je voy assez, puis que je voy ma dame. (MACH., Bal., 1377, 561).

 

-

[En tournure nég.] : Mais de ce fu trop eüreus Qu'ame n'i avoit, fors nous deus, Qui s'en peüst apercevoir, Ne qui riens en peüst savoir. (MACH., R. Fort., c.1341, 28). Mais je ne vi ame laiens (MACH., R. Fort., c.1341, 29). Si qu'onques mais ame ne vist Beste plus gente ne plus jointe, Plus esveillie ne plus cointe. (MACH., D. Lyon, 1342, 233). Ne fu vaillans Lancelos pour sa dame, Tristans, Paris et Perchevaus, qui ame Ne congnoissoit de bien ? Oÿl, par m'ame (MACH., Voir, 1364, 548).
 

Guillaume de Machaut Noël Musso

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